pareille infamie?
-- Entre amis, mon cher Athos, vous avez raison, ce serait une
infamie; mais entre ennemis, c'est une ruse.
Athos croisa les bras et laissa tomber sa belle tete sur sa
poitrine.
-- Que voulez-vous, Athos! dit Aramis, les hommes sont ainsi
faits, et n'ont pas toujours vingt ans. Nous avons cruellement
blesse, vous le savez, cet amour-propre qui dirige aveuglement les
actions de d'Artagnan. Il a ete vaincu. Ne l'avez-vous pas entendu
se desesperer sur la route? Quant a Porthos, sa baronnie dependait
peut-etre de la reussite de cette affaire. Eh bien! il nous a
rencontres sur son chemin, et ne sera pas encore baron de cette
fois-ci. Qui vous dit que cette fameuse baronnie ne tient pas a
notre entrevue de ce soir? Prenons nos precautions, Athos.
-- Mais s'ils allaient venir sans armes, eux? Quelle honte pour
nous, Aramis!
-- Oh! soyez tranquille, mon cher, je vous reponds qu'il n'en sera
pas ainsi. D'ailleurs, nous avons une excuse, nous, nous arrivons
de voyage et nous sommes rebelles!
-- Une excuse a nous! Il nous faut prevoir le cas ou nous aurions
besoin dune excuse vis-a-vis de d'Artagnan, vis-a-vis de Porthos!
Oh! Aramis, Aramis continua Athos en secouant tristement la tete,
sur mon ame, vous me rendez le plus malheureux des hommes. Vous
desenchantez un coeur qui n'etait pas entierement mort a l'amitie!
Tenez, Aramis, j'aimerais presque autant, je vous le jure, qu'on
me l'arrachat de la poitrine. Allez-y comme vous voudrez, Aramis.
Quant a moi, j'irai desarme.
-- Non pas, car je ne vous laisserai pas aller ainsi. Ce n'est
plus un homme, ce n'est plus Athos, ce n'est plus meme le comte de
La Fere que vous trahirez par cette faiblesse; c'est un parti tout
entier auquel vous appartenez et qui compte sur vous.
-- Qu'il soit fait comme vous dites, repondit tristement Athos.
Et ils continuerent leur chemin.
A peine arrivaient-ils par la rue du Pas-de-la-Mule, aux grilles
de la place deserte, qu'ils apercurent sous l'arcade, au debouche
de la rue Sainte-Catherine, trois cavaliers.
C'etaient d'Artagnan et Porthos marchant enveloppes de leurs
manteaux que relevaient les epees. Derriere eux venait Planchet,
le mousquet a la cuisse.
Athos et Aramis descendirent de cheval en apercevant d'Artagnan et
Porthos.
Ceux-ci en firent autant. D'Artagnan remarqua que les trois
chevaux, au lieu d'etre tenus par Bazin, etaient attaches aux
anneaux des arcades. Il ordonna a Planchet de faire c
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