ien pres, mais ce logis
n'existe plus ...
Nous reveillons un batelier qui nous mene en caique sur l'autre rive ...
La, c'est la campagne, et de grands cypres noirs se dressent au milieu
des platanes.
Nous commencons aux lanternes l'ascension des sentiers qui menent a la
case d'Eriknaz.
XXIII
Eriknaz-hanum est d'une laideur agreable et distinguee, blanche comme de
la cire, les yeux et les sourcils noirs comme l'aile du corbeau. Elle
nous recoit sans voile, comme une femme franque.
Tout son interieur respire l'ordre, l'aisance, et la plus stricte
proprete. Ses amies Murrah et Fenzile, qui veillaient avec elle, a notre
arrivee prennent la fuite en se cachant le visage. Elles etaient
occupees a broder de paillettes d'or de petites pantoufles rouges, a
bouts retrousses comme des trompettes.
Mon amie Alemshah, fille d'Eriknaz et niece d'Achmet, vient prendre sa
place habituelle sur mes genoux et s'y endort; c'est une jolie petite
creature de trois ans, aux grands yeux de jais, mignonne et proprette
comme une poupee.
Apres le cafe et la cigarette, on nous apporte deux matelas blancs, deux
_yatags_ blancs, deux couvre-pieds blancs, le tout comme neige; Eriknaz
et Alemshah se retirent en nous souhaitant bonne nuit, et nous nous
endormons tous deux d'un profond sommeil.
Un soleil radieux vient de grand matin nous eveiller, et quatre a quatre
nous degringolons les sentiers qui menent a la Corne d'or. Un caique
matinal est la qui nous attend.
La multitude des cases noires de Pri-pacha, etagees la-haut en pyramide,
baignent dans la lumiere orangee, et toutes les vitres etincellent.
Eriknaz et Alemshah nous regardent de loin partir, perchees, en robes
rouges, au soleil levant, sur le toit de leur maison.
Voici Eyoub qui passe, voici le cafe de Suleiman, la petite place de la
mosquee, et la case d'Arif-effendi, en pleine lumiere du matin. Personne
au bord de l'eau; tout encore est clos et endormi.
Ma demeure, que j'ai si souvent vue sombre et triste, sous la neige et
le vent du nord, me laisse comme derniere image un eblouissement de
soleil.
Ce dernier lever du jour est d'une splendeur inaccoutumee; tout le long
de la Corne d'or, depuis Eyoub jusqu'au serail, les domes et les
minarets se dessinent sur le ciel limpide en teintes roses ou irisees.
Les caiques dores commencent a circuler par centaines, charges de
passants pittoresques ou de femmes voilees.
Au bout d'une heure, nous sommes a bord.
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