uable. Nous arrivons de nuit
a Mudurlu; nous montons au premier etage d'un vieux _hane_ enfume ou
dorment deja pele-mele des tziganes et des montreurs d'ours. Immense
piece noire, si basse, que l'on y marche en courbant la tete. Voici la
table d'hote: une vaste marmite ou des objets inqualifiables nagent
dans une epaisse sauce; on la pose par terre, et chacun s'assied
alentour. Une seule et meme serviette, longue a la verite de plusieurs
metres, fait le tour du public et sert a tout le monde.
Achmet declare qu'il aime mieux perir de froid dehors que de dormir dans
la malproprete de ce bouge. Au bout d'une heure cependant, transis et
harasses de fatigue, nous etions couches et profondement endormis.
Nous nous levons avant le jour, pour aller, de la tete aux pieds, nous
laver en plein vent, dans l'eau claire d'une fontaine.
LXIII
Le soir d'apres, nous arrivons a Ismidt (Nicomedie) a la nuit tombante.
Nous etions sans passeport et on nous arrete. Certain pacha est assez
complaisant pour nous en fabriquer deux de fantaisie, et, apres de longs
pourparlers, nous reussissons a ne pas coucher au poste. Nos chevaux
cependant sont saisis et dorment en fourriere.
Ismidt est une grande ville turque, assez civilisee, situee au bord d'un
golfe admirable; les bazars y sont animes et pittoresques. Il est
interdit aux habitants de se promener apres huit heures du soir, meme en
compagnie d'une lanterne.
J'ai bon souvenir de la matinee que nous passames dans ce pays, une
premiere matinee de printemps, avec un soleil deja chaud, dans un beau
ciel bleu. Bien rassasies tous deux d'un bon dejeuner de paysans, bien
frais et dispos, et nos papiers en regle, nous commencons l'ascension
d'Orkhan-djiami. Nous grimpons par de petites rues pleines d'herbes
folles, aussi raides que des sentiers de chevre. Les papillons se
promenent et les insectes bourdonnent; les oiseaux chantent le
printemps, et la brise est tiede. Les vieilles cases de bois, caduques
et biscornues, sont peintes de fleurs et d'arabesques; les cigognes
nichent partout sur les toits, avec tant de sans-gene que leurs
constructions empechent plusieurs particuliers d'ouvrir leurs fenetres.
Du haut de la djiami d'Orkhan, la vue plane sur le golfe d'Ismidt aux
eaux bleues, sur les fertiles plaines d'Asie, et sur l'Olympe de Brousse
qui dresse la-haut tout au loin sa grande cime neigeuse.
LXIV
D'Ismidt a Taouchandjil, de Taouchandjil a Kara-Moussar, deuxi
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