ille de la boue du dehors; on la laisse a la porte, et les
tapis precieux que le petit-fils a recus de l'aieul, ne sont foules que
par des babouches ou des pieds nus.
Ces deux esclaves ont huit ans; elles sont a vendre et elles le savent.
Leurs faces epanouies sont regulieres et charmantes; des fleurs sont
plantees dans leurs cheveux de bebe, releves tres haut sur le sommet de
la tete. Avec respect elles vous prennent la main et la touchent
doucement de leur front.
Aziyade, qui avait ete, elle aussi, une petite esclave circassienne,
avait conserve cette maniere de m'exprimer la soumission et l'amour ...
On monte de vieux escaliers sombres, couverts de somptueux tapis de
Perse; le haremlike s'entr'ouvre doucement et des yeux de femmes vous
observent, par l'entrebaillement d'une porte incrustee de nacre.
Dans une grande piece ou les tapis sont si epais qu'on croirait marcher
sur le dos d'un mouton de Kachemyre, cinq ou six jeunes hommes sont
assis, les jambes croisees, dans des attitudes de nonchalance heureuse,
et de tranquille reverie. Un grand vase, de cuivre cisele, rempli de
braise, fait a cet appartement une atmosphere tiede, un tant soit peu
lourde qui porte au sommeil. Des bougies sont suspendues par grappes au
plafond de chene sculpte; elles sont enfermees dans des tulipes d'opale,
qui ne laissent filtrer qu'une lumiere rose, discrete et voilee.
Les chaises, comme les femmes, sont inconnues dans ces soirees turques.
Rien que des divans tres bas, couverts de riches soies d'Asie; des
coussins de brocart, de satin et d'or, des plateaux d'argent, ou
reposent de longs chibouks de jasmin; de petits meubles a huit pans,
supportant des narguilhes que terminent de grosses boules d'ambre
incrustees d'or.
Tout le monde n'est pas admis chez Izeddin-Ali, et ceux qui sont la sont
choisis; non pas de ces fils de pacha, traines sur les boulevards de
Paris, gommeux et abetis, mais tous enfants de la _vieille Turquie_
eleves dans les Yalis dores, a l'abri du vent egalitaire empeste de
fumee de houille qui souffle d'Occident. L'oeil ne rencontre dans ces
groupes que de sympathiques figures, au regard plein de flamme et de
jeunesse.
Ces hommes qui, dans le jour, circulaient en costume europeen, ont repris
le soir, dans leur inviolable interieur, la chemise de soie et le long
cafetan en cachemire double de fourrure. Le paletot gris n'etait qu'un
deguisement passager et sans grace, qui seyait mal a leurs organisations
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