'on m'appellera bientot.
"Je te salue
"Ton frere,
"ACHMET"
"P.-S.--Le feu a pris dans le quartier du Phanar cette derniere
semaine. Le Phanar est tout brule."
XXX
LOTI A IZEDDIN-ALI, A STAMBOUL
Brightbury, 20 mai 1877.
Mon cher Izzedin-Ali,
Me voici dans mon pays, bien different du votre! sous les vieux
tilleuls qui m'ont abrite enfant, dans ce petit Brightbury dont je vous
parlais a Stamboul, au milieu de mes bois de chenes verts. C'est le
printemps, mais un pale printemps: de la pluie et de la brume, un peu
comme est chez vous l'hiver.
J'ai repris l'uniforme d'Occident, chapeau et paletot gris, il me semble
par instants que mon costume, c'est le votre, et que c'est a present que
je suis deguise.
J'aime ce petit coin de la patrie cependant; j'aime ce foyer de la
famille que j'ai tant de fois deserte; j'aime ceux qui m'aiment ici, et
dont l'affection rendait douces et heureuses mes premieres annees.
J'aime tout ce qui m'entoure, meme cette campagne et ces vieux bois qui
ont leur charme a eux, un grand charme pastoral, quelque chose qu'il
m'est difficile de definir pour vous, charme du passe, charme
d'autrefois et des anciens bergers.
Les nouvelles se succedent, mon cher effendim, les nouvelles de la
guerre; les evenements se precipitent. J'avais espere que le peuple
anglais prendrait parti pour la Turquie, et je ne vis qu'a moitie, si
loin de Stamboul. Vous avez mes sympathies ardentes; j'aime votre pays,
je fais pour lui des voeux sinceres, et sans doute vous me reverrez
bientot.
Et puis, vous l'avez devine, effendim, je l'aime, elle, dont vous aviez
soupconne et tolere la presence. Votre coeur est grand; vous etes
au-dessus de toutes les conventions, de tous les prejuges. Je puis bien
vous dire a vous que je l'aime, et que, pour elle surtout, je reviendrai
bientot.
XXXI
Brightbury, mai 1877.
J'etais assis a Brightbury, sous les vieux tilleuls. Une mesange a tete
bleue chantait au-dessus de ma tete une chanson compliquee et fort
longue; elle y mettait toute son ame de mesange, et son chant reveillait
chez moi un monde de souvenirs.
C'etait confus d'abord, comme les souvenirs lointains; puis peu a peu
les images vinrent, plus nettes et plus precises, je m'y retrouvai tout
a fait.
Oui, c'etait la-bas, a Stamboul,--une de nos grandes imprudences, un
de nos jours d'ecole buissonniere et de temerite. Mais c'est si grand,
Stamboul! on y est si inconnu!... Et le vi
|