ire que ces changements de
decors, et c'est a peine si le costume oriental leur prete encore
quelque peu d'attrait et de nouveaute.)
Debut de melodrame. Premier tableau: Un vieil appartement obscur.
Aspect assez miserable, mais beaucoup de couleur orientale. Des
narguilhes trainent a terre avec des armes.
Votre ami Loti est plante au milieu et trois vieilles juives
s'empressent autour de lui sans mot dire. Elles ont des costumes
pittoresques et des nez crochus, de longues vestes ornees de paillettes,
des sequins enfiles pour colliers, et, pour coiffure, des catogans de
soie verte. Elles se depechent de lui enlever ses vetements d'officier
et se mettent a l'habiller a la turque, en s'agenouillant pour commencer
par les guetres dorees et les jarretieres. Loti conserve l'air sombre et
preoccupe qui convient au heros d'un drame lyrique.
Les trois vieilles mettent dans sa ceinture plusieurs poignards dont les
manches d'argent sont incrustes de corail, et les lames damasquinees
d'or; elles lui passent une veste doree a manches flottantes, et le
coiffent d'un tarbouch. Apres cela, elles expriment, par des gestes, que
Loti est tres beau ainsi, et vont chercher un grand miroir.
Loti trouve qu'il n'est pas mal en effet, et sourit tristement a cette
toilette qui pourrait lui etre fatale; et puis il disparait par une
porte de derriere et traverse toute une ville saugrenue, des bazars
d'Orient et des mosquees; il passe inapercu dans des foules bariolees,
vetues de ces couleurs eclatantes qu'on affectionne en Turquie; quelques
femmes voilees de blanc se disent seulement sur son passage: " Voici un
Albanais qui est bien mis, et ses armes sont belles."
Plus loin, mon cher William, il serait imprudent de suivre votre ami
Loti; au bout de cette course, il y a l'amour d'une femme turque,
laquelle est la femme d'un Turc,--entreprise insensee en tout temps,
et qui n'a plus de nom dans les circonstances du jour.--Aupres d'elle,
Loti va passer une heure de complete ivresse, au risque de sa tete, de
la tete de plusieurs autres, et de toutes sortes de complications
diplomatiques.
Vous direz qu'il faut, pour en arriver la, un terrible fond d'egoisme;
je ne dis pas le contraire; mais j'en suis venu a penser que tout ce qui
me plait est bon a faire et qu'il faut toujours epicer de son mieux le
repas si fade de la vie.
Vous ne vous plaindrez pas de moi, mon cher William: je vous ai ecrit
longuement. Je ne crois nullement a votre affe
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