ance d'un veritable sorcier, et tremblait de peur, en faisant un
signe de croix, au grincement de la crecelle qui annoncait a l'assemblee
qu'on allait tirer le rideau et commencer le spectacle. On assurait
que le cure de Saint-Germain-l'Auxerrois avait failli excommunier les
marionnettes et le sorcier qui les montrait.
Enfin, pour comble de merveilleux, Fagottini avait un singe apprivoise
et plus instruit, disait-il, qu'un bachelier es-lettres de la tres
venerable Universite; on eut dit qu'une ame intelligente s'etait egaree
dans ce corps de bete, tant il deployait de grace et de gentillesse dans
les exercices qu'il savait faire, sans parler des grimaces: il dansait
des sarabandes italiennes, sautait sur une corde tendue, tirait la bonne
aventure aux filles a marier, et gagnait le plus habile joueur a tous
les jeux de cartes.
Il eut fallu moins que cela pour eveiller et irriter la jalousie du
Savoyard, qui ne pouvait plus empecher la foule de deserter ses concerts
en plein vent, et dont les plus joyeux refrains etaient impuissants a
maintenir l'ancienne vogue du celebre "chantre du Pont-Neuf", comme on
l'appelait, comme il se qualifiait lui-meme. Il s'apercevait de cet
abandon du public, a son escarcelle qui ne se remplissait pas, et il
entendait, d'une oreille d'envie, les liards, les gros sous, et meme la
monnaie d'argent, tomber dans le plat de cuivre, que le singe de son
voisin Fagottini promenait a la ronde en gambadant et en grimacant de
gratitude.
Charles d'Assoucy etait alors l'hote le plus assidu du Pont-Neuf; il
s'echappait, au point du jour, de la rue des Grands-Augustins, ou il
habitait chez son pere, et il n'y rentrait qu'au soleil couche; ete
comme hiver, la pluie, le vent, la neige, le froid et la chaleur, ne le
chassaient pas de sa station favorite devant les treteaux du Cheval de
bronze, en depit des tristes abois de son estomac et des baillements
lamentables de ses chausses dechirees; la, souvent il avait vecu, tout
le jour, de quelques vieilles croutes de pain qu'il trempait dans l'eau
de la Samaritaine pour les amollir; il se delectait a regarder les
parades du singe et les comedies des marionnettes de Fagottini; mais il
n'avait jamais donne une coquille de noix a la quete de ce singe qui lui
gardait rancune et le mordait du regard. Charles d'Assoucy savait par
coeur tous les airs du Savoyard, tous les contes des bateleurs, tous les
horoscopes des devins, tous les programmes des charlatans emeri
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