n sonnera, les
partis sauront reconnaitre dans les lettres, bien mieux que dans le
barreau, les hommes qui leur conviennent.
Comme il disait cela, je vis passer dans une glace une figure qui me
sembla etre celle de Paul Arsene; mais, avant que j'eusse tourne la tete
pour m'en assurer, elle avait disparu.
"Et quelle partie choisirez-vous dans les lettres? demandai-je a Horace.
--Vers, prose, roman, theatre, critique, polemique, satire, poeme, tonte
forme est a mon choix, et je n'en vois aucune qui m'effraie.
--La forme bien, mais le fond?
--Le fond deborde, repondit-il, et la forme est le vase etroit ou il
faut que j'apprenne a contenir mes pensees. Soyez tranquille, vous
verrez bientot que cette oisivete qui vous effraie couve quelque chose.
Il y a des abimes sous l'eau qui dort."
Mes yeux, flottant autour de moi, retrouverent de nouveau Paul Arsene,
mais dans un accoutrement inusite. Cette fois sa chemise etait fort
blanche et assez fine; il avait un tablier blanc, et pour achever la
metamorphose, il portait un plateau charge de tasses.
"Voila, dit Horace, dont les yeux avaient suivi la meme direction que
les miens, un garcon qui ressemble effroyablement au Masaccio."
Quoiqu'il eut coupe ses longs cheveux et sa petite moustache, il m'etait
impossible de douter un seul instant que ce ne fut le Masaccio en
personne. J'eus le coeur affreusement serre, et faisant un effort,
j'appelai le garcon.
"_Voila, Monsieur!_ repondit-il aussitot; et, s'approchant de nous, sans
le moindre embarras, il nous presenta le cafe.
--Est-il possible! Arsene? m'ecriai-je, vous avez pris ce parti?
--En attendant un meilleur, repondit-il, et je ne m'en trouve pas mal.
--Mais vous n'avez pas un instant de reste pour dessiner? lui dis-je,
sachant bien que c'etait la seule objection qui put l'emouvoir.
--Oh! cela, c'est un malheur! mais il est pour moi seul, repondit-il, ne
me blamez pas, Monsieur. Ma vieille tante va mourir, et je veux faire
venir mes soeurs ici; car, voyez-vous quand on a tate de ce coquin
de Paris, on ne peut plus s'en aller vivre en province. Au moins ici
j'entendrai parler d'art et de peinture aux jeunes etudiants: et quand
M. Delacroix exposera, je pourrai m'esquiver une heure pour aller voir
ses tableaux. Est-ce que les arts vont perir, parce que Paul Arsene ne
s'en mele plus? Il n'y a que les tasses qui menacent ruine, ajouta-t-il
gaiement en retenant le plateau pret a s'echapper de sa main encore
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