ace du
genereux elan.
Alors on rentre en soi-meme, c'est-a-dire en soi seul, on traite
de folies de jeunesse les theories courageuses qu'on a aimees et
professees; on rougit d'avoir ete fourieriste, ou saint-simonien, ou
revolutionnaire d'une maniere quelconque; on n'ose pas trop raconter
quelles motions audacieuses on a elevees ou soutenues dans les
_societes_ politiques, et puis on s'etonne d'avoir souhaite l'egalite
dans toutes ses consequences, d'avoir aime le peuple sans frayeur,
d'avoir vote la loi de fraternite sans amendement. Et au bout de peu
d'annees, c'est-a-dire quand on est etabli bien ou mal, qu'on soit
juste-milieu, legitimiste ou republicain, qu'on soit de la nuance des
_Debats_, de la _Gazette_ ou du _National_, on inscrit sur sa porte,
sur son diplome ou sur sa patente, qu'on n'a, en aucun temps de sa vie,
entendu porter atteinte a la sacro-sainte propriete.
Mais ceci est le proces a faire, je le repete, a la societe bourgeoise
qui nous opprime. Ne faisons pas celui de la jeunesse, car elle a ete ce
que la jeunesse, prise en masse et mise en contact avec elle-meme, est
et sera toujours, enthousiaste, romanesque et genereuse. Ce qu'il y a de
meilleur dans le bourgeois, c'est donc encore l'etudiant; n'en doutez
pas.
[Illustration: M Poisson parlait ainsi debout.]
Je n'entreprendrai pas de contredire dans le detail les assertions de
l'auteur, que j'incrimine sans aucune aigreur, je vous jure. Il est
possible qu'il soit mieux informe des moeurs des etudiants que je ne
puis l'etre relativement a ce qu'elles sont aujourd'hui; mais je dois en
conclure, ou que l'auteur s'est trompe, ou que les etudiants ont bien
change; car j'ai vu des choses fort differentes.
Ainsi, de mon temps, nous n'etions pas divises en deux especes, l'une,
appelee les _bambocheurs_, fort nombreuse, qui passait son temps a la
Chaumiere, au cabaret, au bal du Pantheon, criant, fumant, vociferant
dans une atmosphere infecte et hideuse; l'autre fort restreinte, appelee
les _piocheurs_, qui s'enfermait pour vivre miserablement, et s'adonner
a un travail materiel dont le resultat etait le cretinisme. Non! il y
avait bien des oisifs et des paresseux, voire des mauvais sujets et des
idiots; mais il y avait aussi un tres-grand nombre de jeunes gens
actifs et intelligents, dont les moeurs etaient chastes, les amours
romanesques, et la vie empreinte d'une sorte d'elegance et de poesie, au
sein de la mediocrite et meme de la misere. Il
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