--Femme
charmante, lui dis-je, pourrait-on vous offrir le bras?--Elle ne repond
rien et ne tourne pas la tete. Cela m'etonne. Ah bah! elle est peut-etre
sourde, cela s'est vu. J'insiste. On me fait doubler le pas.--N'ayez
donc pas peur!--Ah!---Un petit cri, et puis on s'appuie sur le parapet.
--Parapet? c'etait sur le quai, dit Louvet.
--J'ai dit parapet comme j'aurais dit borne, fenetre, muraille
quelconque. N'importe! je la voyais trembler comme une femme qui
va s'evanouir. Je m'arrete, interdit. Se moque-t-on de moi?--Mais,
Mademoiselle, n'ayez donc pas peur.--Ah! mon Dieu! c'est vous, monsieur
Laraviniere?--Ah! mon Dieu! c'est vous, madame Poisson? (Et voila, un
coup de theatre!)--Je suis bien aise de vous rencontrer, dit-elle d'un
ton resolu. Vous etes un honnete homme, vous allez me conduire. Je
remets mon sort entre vos mains, je me lie a vous. Je demande le
secret.--Me voila, Madame, pret a passer l'eau et le feu pour vous et
avec vous. Elle prend mon bras.--Je pourrais vous prier de ne pas me
suivre, et je suis sure que vous n'insisteriez pas; mais j'aime mieux me
confier a vous. Mon honneur sera en bonnes mains; vous ne le trahirez
pas."
"J'etends la main, elle y met la sienne. Voila la tete qui me tourne
un peu, mais c'est egal. J'offre mon bras comme un marquis, et sans me
permettre une seule question, je l'accompagne...
--Ou, demanda Horace impatient.
--Ou bon lui semble, repondit Laraviniere. Chemin faisant:--Je quitte M.
Poisson pour toujours, me repondit-elle; mais je ne le quitte pas pour
me mal conduire. Je n'ai pas d'amant, Monsieur; je vous jure devant
Dieu, qui veille sur moi, puisqu'il vous a envoye vers moi en ce moment,
que je n'en ai pas et n'en veux pas avoir. Je me soustrais a de mauvais
traitements, et voila tout. J'ai un asile, chez une amie, chez une femme
honnete et bonne; je vais vivre de mon travail. Ne venez pas me voir; il
faut que je me tienne dans une grande reserve apres une pareille fuite;
mais gardez-moi un souvenir amical, et croyez que je n'oublierai
jamais... Nouvelle poignee de main; adieu solennel, eternel peut-etre,
et puis, bonsoir, plus personne. Je sais ou elle est, mais je ne sais
chez qui, ni avec qui. Je ne chercherai pas a le savoir, et je ne
mettrai personne sur la voie de le decouvrir. C'est egal, je n'en ai pas
dormi de la nuit et me voila amoureux comme une bete! A quoi cela me
servira-t-il?
--Et vous croyez, dit Horace emu, qu'elle n'a pas d'amant, q
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