, s'ecria-t-elle en se jetant
au cou de ma compagne, j'y compte; et quant a l'amitie de celui-ci,
ajouta-t-elle en prenant la tete d'Arsene entre ses deux mains, elle me
fera tout supporter."
Arsene rougit et palit tour a tour.
"Mes soeurs vous respecteront, s'ecria-t-il d'une voix emue, ou bien...
--Point de menaces, repondit-elle, oh! jamais de menaces a cause de moi.
Je les desarmerai, n'en doutez pas; et si j'echoue, je subirai leur
petite morgue. C'est si peu de chose pour moi! cela me parait un jeu
d'enfant.
Sois sans inquietude, cher Arsene. Tu as voulu me sauver, tu m'as sauvee
en effet, et je te benirai tous les jours de ma vie."
Transporte d'amour et de joie, Arsene retourna au cafe Poisson, et
Marthe alla doucement prendre possession de son petit lit aupres des
deux soeurs, dont les vigoureux ronflements couvrirent le bruit leger de
ses pas.
X.
Les soeurs d'Arsene se radoucirent en effet. Apres quelques jours de
fatigue, d'etonnement et d'incertitude, elles parurent prendre leur
parti et s'associer, sans arriere-pensee, a la compagne qui leur etait
imposee. Il est vrai que Marthe leur temoigna une obligeance qui allait
presque jusqu'a la soumission. Les bonnes manieres qu'elle avait su
prendre, jointes a sa douceur naturelle et a une sensibilite toujours
eveillee et jamais trop expansive, rendaient son commerce le plus
aimable que j'aie, jamais rencontre dans une femme. Il n'avait fallu
que deux ou trois jours pour inspirer a Eugenie et a moi une amitie
veritable pour elle. Sa politesse imposait a l'altiere Louison; et
lorsque celle-ci eprouvait le besoin de lui chercher noise, sa voix
douce, ses paroles choisies, ses intentions prevenantes calmaient ou
tout au moins mataient l'humeur querelleuse de la villageoise.
De notre cote, nous faisions notre possible pour reconcilier Louise et
Suzanne avec ce Paris dont le premier aspect les avait tant irritees.
Elles s'etaient imagine, au fond de leur village, que Paris etait un
Eldorado ou, relativement, la misere etait ce que l'on considere comme
richesse en province. Jusqu'a un certain point leur reve etait bien
realise, car lorsqu'elles allaient en fiacre (je leur donnai deux ou
trois fois ce plaisir luxueux), elles se regardaient l'une l'autre
d'un air ebahi, en disant: "Nous ne nous genons pas ici! nous roulons
carrosse." Et puis, la vue des moindres boutiques leur causait des
eblouissements d'admiration. Le Luxembourg leur paraissait un l
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