la nouvelle
doctrine, et c'en etait assez pour qu'il declarat absurde et menteuse
toute l'idee saint-simonienne. Il ne cherchait donc aucune lumiere, et
se laissait aller a l'instinct brutal de la priorite masculine que
la societe consacre et sanctifie, sans vouloir tremper dans aucun
pedantisme, pas plus, disait-il, dans celui des conservateurs que dans
celui des novateurs.
Avec ces notions vagues et cette absence totale de dogme religieux
et social, il voulait experimenter l'amour, la plus religieuse des
manifestations de notre vie morale, le plus important de nos actes
individuels par rapport a la societe! Il n'avait ni l'elan sublime qui
peut rehabiliter l'amour dans une intelligence hardie, ni la persistance
fanatique, qui peut du moins lui conserver une apparence d'ordre et une
espece de vertu en suivant les traditions du passe.
Sa premiere passion fut pour la Malibran.
Il allait quelquefois au parterre des Italiens; il emprunta de l'argent,
et y alla toutes les fois que la divine cantatrice paraissait sur la
scene. Certes, il y avait de quoi allumer son enthousiasme, et j'aurais
desire que cette adoration continue occupat plus longtemps son
imagination. Elle l'eut prepare a recevoir des impressions plus durables
et plus completes. Mais Horace ne savait pas attendre. Il voulut
realiser son reve, et il fit _des folies_ pour madame Malibran,
c'est-a-dire qu'il s'elanca sous les roues de sa voiture (apres l'avoir
guettee a la sortie), sans toutefois se laisser faire aucun mal; puis
il jeta un ou deux bouquets sur la scene; puis enfin il lui ecrivit une
lettre delirante, comme il avait ecrit quelques semaines auparavant a
madame Poisson. Il ne recut pas plus de reponse cette fois que l'autre,
et il ignora de meme le sort de sa lettre, si on l'avait meprisee, si on
l'avait recue.
Je craignais que ce premier echec ne lui causat un vif chagrin. Il en
fut quitte pour un peu de depit. Il se moqua de lui-meme pour avoir cru
un instant que "l'orgueil du genie s'abaisserait jusqu'a sentir le prix
d'un hommage ardent et pur." Je le trouvai un jour ecrivant une seconde
lettre qui commencait ainsi: "Merci, femme, merci! vous m'avez desabuse
de la gloire;" et qui finissait par: "Adieu, Madame! soyez grande, soyez
enivree de vos triomphes! et puissiez-vous trouver, parmi les illustres
amis qui vous entourent, un coeur qui vous comprenne, une intelligence
qui vous reponde!"
Je le determinai a jeter cette lettre au feu, e
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