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l'inspiration, comme l'oeuvre des cyclopes, qui etait manifestee par la
flamme de l'Etna.
A defaut de convictions generales, les sentiments particuliers peuvent
nous emouvoir et nous rendre eloquents; c'est en general la puissance de
la jeunesse. Horace ne l'avait pas encore; et n'ayant ni ressenti les
emotions passionnees ni vu leurs effets dans la societe; en un mot,
n'ayant appris ce qu'il savait que dans les livres, il ne pouvait etre
pousse ni par une revelation superieure ni par un besoin genereux, au
choix de tel ou tel recit, de telle ou telle peinture. Comme il etait
riche de fictions entassees dans son intelligence par la culture, et
toutes pretes a etre fecondees quand sa vie serait completee, il se
croyait pret a produire. Mais il ne pouvait pas s'attacher a ces
creations fugitives qui ne remuaient pas son ame, et qui, a vrai dire,
n'en sortaient pas, puisqu'elles etaient le produit de certaines
combinaisons de la memoire. Aussi manquaient-elles d'originalite, sous
quelque forme qu'il voulut les resoudre, et il le sentait; car il
etait homme de gout, et son amour-propre n'avait rien de sot. Alors
il raturait, dechirait, recommencait, et finissait par abandonner son
oeuvre pour en essayer une autre qui ne reussissait pas mieux.
Ne comprenant pas les causes de son impuissance, il se trompait en
l'attribuant au degout de la forme. La forme etait la seule richesse
qu'il eut pu acquerir des lors avec de la patience et de la volonte;
mais cela n'aurait jamais supplee a un certain fonds qui lui manquait
essentiellement, et sans lequel les oeuvres litteraires les plus
chatoyantes de metaphores, les plus chargees de tours ingenieux et
charmants, n'ont cependant aucune valeur.
Je lui avais bien souvent repete ces choses, mais sans le convaincre.
Apres l'essai que, depuis plus d'un mois, il s'obstinait a faire, il
s'aveuglait encore. Il croyait que le bouillonnement de son sang,
l'impetuosite de sa jeunesse, l'impatience fievreuse de s'exprimer,
etaient les seuls obstacles a vaincre. Cependant, il avouait que tout ce
qu'il avait essaye prenait, au bout de dix lignes ou de trois vers,
une telle ressemblance avec les auteurs dont il s'etait nourri, qu'il
rougissait de ne faire que des pastiches. Il me montra quelques vers et
quelques phrases qui eussent pu etre signes Lamartine, Victor Hugo, Paul
Courier, Charles Nodier, Balzac, voire Beranger, le plus difficile de
tous a imiter, a cause de sa maniere nette e
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