out, Louison
ne touchait a rien. Enfin, Arsene arriva, et, apres les premiers
embrassements, devinant, avec le sang-froid qu'il possedait au plus haut
degre, ce qui se passait entre nous tous, il emmena ses deux soeurs dans
une chambre, et resta plus d'une heure enferme avec elles.
Au sortir de cette conference, ils avaient tous le teint anime. Mais
l'influence de l'autorite fraternelle, si peu contestee dans les moeurs
du peuple de province, avait mate la resistance de Louise. Suzanne, qui
ne manquait pas de finesse, voyant dans Arsene un utile contre-poids a
l'autorite de sa soeur, n'etait pas fachee, je crois, de changer un peu
de maitre. Elle fit franchement des amities a Marthe, tandis que
Louise l'accablait de politesses affectees tres-maladroites et presque
blessantes.
Arsene les envoya coucher presque aussitot.
"Nous attendrons madame Poisson, dit Louise sans se douter qu'elle
enfoncait un nouveau poignard dans le coeur de Marthe en l'appelant
ainsi.
--Marthe n'a pas voyage, repondit le Masaccio froidement; elle n'est
pas condamnee a dormir avant d'en voir envie. Vous autres, qui etes
fatiguees, il faut aller vous reposer."
Elles obeirent, et, quand elles furent sorties:
"Je vous supplie de pardonner a mes soeurs, dit-il a Marthe, certains
prejuges de province qu'elles auront bientot perdus, je vous en reponds.
--N'appelez point cela des prejuges, repondit Marthe. Elles ont raison
de me mepriser: j'ai commis une faute honteuse. Je me suis livree a un
homme que je devais bientot hair, et qui n'etait pas fait pour etre
aime. Vos soeurs ne sont scandalisees que parce que mon choix etait
indigne. Si je m'etais fait enlever par un homme comme vous, Arsene,
je trouverais de l'indulgence, et peut-etre de l'estime dans tous les
coeurs. Vous voyez bien que tous ceux qui approchent d'Eugenie la
respectent. On la considere comme la femme de votre ami, quoiqu'elle
ne se soit jamais fait passer pour telle; et moi, quoique je prisse le
titre d'epouse, tout le monde sentait que je ne l'etais point. En voyant
quel maitre farouche je m'etais donne, personne n'a cru que l'amour put
m'avoir jetee dans l'abime."
En parlant ainsi, elle pleurait amerement, et sa douleur, trop longtemps
contenue, brisait sa poitrine.
Arsene etouffa des sanglots prets a lui echapper.
"Personne n'a jamais dit ni pense de mal de vous, s'ecria-t-il; quant a
moi, je saurai bien faire partager a mes soeurs le respect que j'ai pour
vou
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