s'est fait garcon de cafe, et il a justement choisi
le cafe de M. Poisson, ou il a pu concerter l'enlevement de Marthe, et
ou il compte rester encore quelque temps pour detourner les soupcons.
Car la tante Henriette est morte, les soeurs d'Arsene sont en route,
et je m'etais chargee de veiller a leur etablissement dans une maison
honnete: celle-ci est propre et bien habitee. L'appartement a cote du
notre se compose de deux petites pieces; il coute cent francs de loyer.
Ces demoiselles y seront fort bien. Nous leur preterons le linge et les
meubles dont elles auront besoin en attendant qu'elles aient pu se les
procurer, et cela ne tardera pas; car Paul, depuis deux mois qu'il gagne
de l'argent, a deja su acheter une espece de mobilier assez gentil qui
etait la-haut dans votre grenier et a votre insu. Enfin, avant-hier
soir, tandis que vous etiez aupres de votre malade, Laure, ou, pour
mieux dire, Marthe, puisque c'est son veritable nom, a pris son grand
courage, et au coup de minuit, pendant que M. Poisson etait de garde,
elle est partie avec Arsene, qui devait l'amener ici, et retourner
bien vite a la maison avant que son patron fut rentre; mais a peine
avaient-ils fait trente pas, qu'ils ont cru voir de la lumiere a
l'entre-sol de M. Poisson, et ils ont delibere s'ils ne rentreraient
pas bien vite. Alors Marthe, prenant son parti avec desespoir, a force
Arsene a rentrer et s'est mise a descendre a toutes jambes la rue de
Tournon, comptant sur la legerete de sa course et sur la protection du
ciel pour echapper seule aux dangers de la nuit. Elle a ete suivie par
un homme sur les quais; mais il s'est trouve par bonheur que cet homme
etait votre camarade Laraviniere, qui lui a promis le secret et qui l'a
amenee jusqu'ici. Arsene est venu nous voir en courant ce matin. Le
pauvre garcon etait cense faire une commission a l'autre bout de Paris.
Il etait si baigne de sueur, si haletant, si emu, que nous avons cru
qu'il s'evanouirait en haut de l'escalier. Enfin, en cinq minutes de
conversation, il nous a appris que leur frayeur au moment de la fuite
n'etait qu'une fausse alerte, que M. Poisson n'etait rentre qu'au jour,
et qu'au milieu de son trouble et de sa fureur, il n'avait pas le
moindre soupcon de la complicite d'Arsene.
--Et maintenant, dis-je a Eugenie, qu'ont-ils a craindre de M. Poisson?
Aucune poursuite legale, puisqu'il n'est pas marie avec Marthe?
--Non, mais quelque violence dans le premier feu de la colere. C
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