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ieu enchante. Mais si la vue des objets nouveaux vint a bout de les distraire pendant quelques jours, elles n'en firent pas moins de tristes retours sur leur condition nouvelle, lorsqu'elles se retrouverent dans cette petite chambre au cinquieme ou leur vie devait se renfermer. Quelle difference, en effet, avec leur existence provinciale! Plus d'air, plus de liberte, plus de causerie sur la porte avec les voisines; plus d'intimite avec tous les habitants de la rue; plus de promenade sur un petit rempart plante de marronniers, avec toutes les jeunes filles de l'endroit, apres les journees de travail; plus de danses champetres le dimanche! Aussitot qu'elles furent installees au travail, elles virent bien qu'a Paris les jours etaient trop courts pour la quantite des occupations necessaires, et que, si l'on gagnait le double de ce qu'on gagne en province, il fallait aussi depenser le double et travailler le triple. Chacune de ces decouvertes etait pour elles une surprise facheuse. Elles ne concevaient pas non plus que la vertu des filles fut exposee a tant de dangers, et qu'il ne fallut pas sortir seules le soir, ni aller danser au bal public quand on voulait se respecter. "Ah! mon Dieu! s'ecriait Suzanne consternee, le monde est donc bien mechant ici?" Mais cependant elles se soumirent, non sans murmure interieur. Arsene les tenait en respect par de frequentes exhortations, et elles ne manifestaient plus leur mecontentement avec la sauvagerie du premier jour. Ce voisinage de deux filles mal satisfaites et passablement malapprises eut ete assez desagreable, si le travail, remede souverain a tous les maux quand il est proportionne a nos forces, ne fut venu tout pacifier. Grace aux petites precautions qu'Eugenie avait prises d'avance, l'ouvrage arrivait; et elle songeait serieusement, voyant l'estime et la confiance que lui temoignaient ses pratiques, a monter un atelier de couturiere. Marthe n'etait pas fort diligente, mais elle avait beaucoup de gout et d'invention. Louison cousait rapidement et avec une solidite cyclopeenne. Suzanne n'etait pas maladroite. Eugenie ferait les affaires, essaierait les robes, dirigerait les travaux, et partagerait loyalement avec ses associees. Chacune, etant interessee au succes du _phalanstere_, travaillerait, non a la tache et sans conscience, comme font les ouvrieres a la journee, mais avec tout le zele et l'attention dont elle etait susceptible. Cette grande idee souriait assez aux soeu
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