de langage, cette
distinction de manieres, ce tact exquis, cette finesse, cette douceur et
cette fermete de caractere, ce charme et cette elevation d'esprit qui, a
toutes les epoques de son existence, lui valurent tant d'eloges et lui
attirerent tant d'amities.
Un rapide coup d'oeil jete sur une carriere si invraisemblable suffit pour
faire comprendre tout ce qu'il y avait de seduisant chez une femme qui sut
plaire a Scarron et a Louis XIV, a Ninon de Lenclos et a Mme de Sevigne, a
Mme de Montespan et a la reine, aux grandes dames et aux religieuses, aux
prelats et aux enfants.
Francoise d'Aubigne, la future Mme de Maintenon, vient au monde, le 27
novembre 1635, dans une prison de Niort, ou est enferme son pere, couvert
de dettes et accuse d'intelligences avec l'ennemi. Bercee de gemissements
pour tous chants de tendresse, elle commence tristement la vie. Son pere,
sorti de prison, la conduit a l'age de trois ans a la Martinique, ou il va
chercher fortune. Sa fortune dure peu; il perd au jeu ce qu'il a gagne et
meurt, laissant sa femme et sa fille dans la misere. Agee de dix ans,
Francoise d'Aubigne revient en France. Elle est confiee par sa mere a une
tante, Mme de Villette, et on l'eleve dans la religion protestante, dont
son aieul, Theodore Agrippa d'Aubigne, a ete le champion celebre. "Je
crains bien, ecrit Mme d'Aubigne a Mme de Villette, que cette pauvre
petite galeuse ne vous donne bien de la peine; ce sont des effets de votre
bonte de l'avoir voulu prendre. Dieu lui fasse la grace de l'en pouvoir
revancher!"
[Note: Lettre du 26 juillet 1646.]
Quelque temps apres, Francoise est retiree des mains protestantes de Mme
de Villette pour passer dans celles d'une autre parente, tres zelee
catholique, Mme de Neuillant. "Je commandais dans la basse-cour, a-t-elle
dit depuis, et c'est par la que mon regne a commence.... On nous mettait
au bras un petit panier ou etait notre dejeuner, avec un petit livre des
quatrains de Pibrac, dont on nous donnait quelques pages a apprendre par
jour. Avec cela on nous mettait une gaule dans la main, et on nous
chargeait d'empecher que les dindons n'allassent ou ils ne devaient point
aller."
Elle est ensuite placee au couvent des Ursulines de Niort, puis a celui
des Ursulines de la rue Saint-Jacques a Paris, ou elle abjure le
protestantisme, non sans une vive resistance. Elle a deja ce don de plaire
qu'elle conservera toute sa vie. "Dans mon enfance, a-t-elle dit
elle-meme[1], j
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