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Veut-elle eloigner Mme de Montespan, qui a ete, il est vrai, sa
protectrice, sa bienfaitrice? Oui. Peut-on l'en blamer? Non, assurement.
Aura-t-elle l'idee de supplanter Mme de Montespan, comme Mme de Montespan
avait supplante son amie Mlle de La Valliere? En aucune maniere. Lorsque
Louis XIV, fatigue de l'orgueil et des violences de la favorite "tonnante
et triomphante", l'eloignera de lui, Mme de Maintenon essayera-t-elle
d'accaparer le roi? Nullement; le triste sceptre passera alors aux mains
de Mlle de Fontanges. Quand Mlle de Fontanges mourra d'une facon si
soudaine, qu'on osera soupconner contre toute justice Mme de Montespan de
l'avoir empoisonnee, Mme de Maintenon aura-t-elle l'idee de remplacer
la duchesse de Fontanges? Pas davantage. Elle n'aura qu'un but: convertir
le roi, le ramener a la reine.
Ce but, elle l'atteindra.
C'en est fait: Mme de Montespan peut encore s'irriter contre l'habile
gouvernante, mais elle est desormais vaincue. Sans doute il est dur pour
cette fiere Mortemart, qui a toujours tenu tete au Grand Roi, qui a
regarde en face le demi-dieu, de s'humilier devant une femme qu'elle a
tiree de la misere, devant une institutrice de sept ans plus agee qu'elle;
mais qu'y faire? "Le roi ne la regarde plus, et vous jugez bien que les
courtisans suivent son exemple[1]." Mme de Sevigne ecrivait, le 6 avril
1680: "Mme de Montespan est enragee. Elle pleura beaucoup hier. Vous
pouvez juger du martyre que souffre son orgueil, qui est encore plus
outrage par la haute faveur de Mme de Maintenon." A la meme epoque, Mme de
Maintenon ecrivait: "Mme de Montespan et moi avons fait aujourd'hui un
chemin ensemble, nous tenant sous le bras et riant beaucoup; nous n'en
sommes pas mieux pour cela."
[Note 1: Lettre de Bussy-Rabutin, 30 avril 1680.]
La position de Mme de Maintenon est desormais inattaquable: elle n'a plus
besoin de se faire un piedestal du berceau de ses eleves; elle a
maintenant, pour elle-meme, sa place marquee a la cour. On la recherche,
on la flatte. Lorsqu'elle passe quelques jours a son chateau de Maintenon,
les plus grands personnages y vont lui rendre hommage. Louis XIV la nomme
dame d'atours de la dauphine. Quand cette princesse arrive en France,
c'est Bossuet et Mme de Maintenon qui la recoivent a Schlestadt. "Si Mme
la dauphine, ecrit Mme de Sevigne, croit que tous les hommes et toutes les
femmes aient autant d'esprit que cet echantillon, elle sera bien
trompee[1]." Ce bien qu'el
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