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pour assister a ce mariage, selon l'invitation que j'en ai recue.--A-t-on
bien ose vous inviter? s'ecria la jeune fille en joignant les mains.
A-t-on bien pousse l'insulte et l'impudeur jusqu'a vous faire part de ce
mariage? Oh! j'etais l'amie de Giovanna! Dieu m'est temoin que tant
qu'elle vous a aime je l'ai aimee comme ma soeur; mais aujourd'hui je la
meprise et je la deteste. Moi aussi, je suis invitee a son mariage, mais
je n'irai point. Je lui arracherais son bouquet de la tete et je lui
dechirerais son voile si je la voyais revetue de ces ornements pour donner
la main a votre rival. Oh! Dieu! preferer a mon frere un Orio Soranzo, un
debauche, un joueur, un homme qui meprise toutes les femmes et qui a fait
mourir sa mere de chagrin! Eh quoi! mon frere, vous le regarderez en face?
Oh! n'allez pas la! Vous ne pouvez y aller sans avoir quelques desseins
terribles. N'y allez pas! meprisez ce couple indigne de votre colere.
Abandonnez Giovanna a son triste bonheur. C'est la qu'elle trouvera son
chatiment.--Mon enfant, repondit Ezzelin, je suis profondement emu de
votre sollicitude, et je suis heureux, puisque votre amitie pour moi est
si vive. Mais ne craignez rien de ma colere ni de ma douleur, et sachez
que vous ne comprenez rien a ce qui m'arrive. Sachez, mon enfant cherie,
que Giovanna Morosini n'a eu aucun tort envers moi. Elle m'a aime, elle me
l'a avoue naivement; elle m'a accorde sa main. Puis un autre est venu; un
homme plus habile, plus audacieux, plus entreprenant, un homme qui avait
besoin de sa fortune, et qui, pour la fasciner, a ete grand orateur et
grand comedien. Il l'a emporte; elle l'a prefere; elle me l'a dit, et je
me suis retire; mais elle me l'a dit avec franchise, avec douceur, avec
bonte meme. Ne haissez donc point Giovanna, et restez son amie comme je
reste son serviteur. Allez eveiller votre tante; priez-la de vous mettre
vos plus beaux habits, et de venir avec vous et avec moi a la noce de
Giovanna Morosini."
Grande fut la surprise de la tante lorsque la jeune fille consternee vint
lui declarer les intentions du comte. Mais elle l'aimait tendrement; elle
croyait en lui et vainquit sa repugnance. Ces deux femmes, richement
parees, la vieille avec tout le luxe majestueux et lourd de l'antique
noblesse, la jeune avec tout le gout et toute la grace de son age,
accompagnerent Ezzelin a l'eglise Saint-Marc.
Leurs preparatifs avaient dure assez long temps pour que la messe et la
ceremonie
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