nthousiasmes, quel mepris ne ressentais-je pas pour tous
ces maigres saints devant qui je m'etais agenouille et qui ne sont qu'un
point imperceptible dans le long developpement poursuivi par l'ame du
monde a travers toutes les formes!
Le lendemain je dis a Simon:
--Je n'abandonne pas le service de Dieu; je continuerai a vivre dans la
contemplation de ses perfections pour les degager en moi et pour que
j'approche le plus possible de mon absolu. Mais je donne conge aux
petits scribes passionnes et analystes, qui furent jusqu'alors nos
intercesseurs. Ainsi que nous essayames en Lorraine, je veux me modeler
sur des groupes humains, qui me feront toucher en un fort relief tous
les caracteres dont mon etre a le pressentiment. Les individus, si
parfaits qu'on les imagine, ne sont que des fragments du systeme plus
complet qu'est la race, fragment elle-meme de Dieu. Echappant desormais
a la sterile analyse de mon organisation, je travaillerai a realiser la
tendance de mon etre. Tendance obscure! Mais pour la satisfaire je me
modelerai sur ceux que mon instinct elit comme analogues et superieurs a
mon Etre. Et c'est Venise que je choisis, d'autant qu'il y fait en
moyenne 13 deg.,38 en mars et 18 deg.,23 en mai. Puis la vie materielle y est
extremement facile, ce qui convient a un contemplateur.
* * * * *
Nous nous quittames en nous serrant la main. La crainte de m'eloigner
sur une emotion un peu banale d'un local ou nous avions eu des frissons
tres curieux m'empecha seule de presser Simon dans mes bras. Mais je
constatai que nous nous aimions beaucoup.
* * * * *
CHAPITRE VIII
A LUCERNE, MARIE B...
Dans une gare, sur le trajet de Bayon a Lucerne, Milan et Venise,
j'achetai un livre alors nouveau, le _Journal de Marie Bashkirtsef._
Rien qu'a la couverture, je compris que cet ouvrage etait pour me
plaire. Jamais mon intuition ne me trompe; je vais m'enfermer dans
Venise, confiant que cette race me sera d'un bon conseil.
Cette jeune fille fut curieuse de sentir. Avec mille travers, elle se
garda toujours ardente et fiere. Quoiqu'elle n'ait pas nettement
distingue qu'elle etait mue simplement par l'amour de l'argent, qui fait
l'independance, et par l'horreur du vulgaire, on peut la dire
clairvoyante. Je l'estime. Sur le tard, elle fut effleuree par des
sentiments grossiers: elle desira la gloire et elle mourut de la
poitrine. Voila deux fautes grav
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