FREE BOOKS

Author's List




PREV.   NEXT  
|<   76   77   78   79   80   81   82   83   84   85   86   87   88   89   90   91   92   93   94   95   96   97   98   99   100  
101   102   103   104   105   106   107   108   109   110   111   112   113   114   115   116   >>  
Des lors je passai mes jours, dans des palais deserts, a lire les annales magnifiques et confuses de la Republique,--dans les musees et les eglises ecrasees d'or, a controler les catalogues,--sur la rive des Schiavoni, a louer la mer, le soleil et l'air pur qui egayent mes vingt-cinq ans,--et sur les petits ponts imprevus, je m'attristais longuement des canaux immobiles entre des murs ecussonnes. * * * * * Apres trois semaines, quand mes nerfs furent moins sensibles a cette delicate cite, je brusquai mon regime jusqu'alors regle par Baedeker, et quittant la Piazza, ou parmi des etrangers choquants on lit les journaux francais, je me confinai dans une Venise plus venitienne. J'habitai les Fondamenta Bragadin; cela me plut, car Bragadin est un doge qui, par grandeur d'ame, consentit a etre ecorche vif, et parfois je songe que je me suis fait un sort analogue. Je voudrais transcrire quelques tableaux tres brefs des sensations les plus joyeuses que je connus au hasard de ces premieres curiosites; mais il eut fallu les esquisser sur l'instant. Je ne puis m'alleger de mes imaginations habituelles et retrouver ces moments de bonheur aile. C'est en vain que pendant des semaines, aupres de ma table de travail, j'ai attendu la veine heureuse qui me ferait souvenir. Je vois une matinee a Saint-Marc, ou j'etais assis sur des marbres antiques et frais, tandis qu'un bon chien (musele) allongeait sur mes genoux sa vieille tete de serpent honnete. Et l'un et l'autre nous regardions, avec une parfaite volupte, le faste et la seduction realises tout autour de nous.--Ah! Simon, comme la raideur anglaise serait miserable dans cette vegetation divine! Je vois un jour le soleil que je m'etendis sur un banc de marbre, au ras de la mer: alors je compris qu'un miserable mendiant n'est pas necessairement un malheureux, et que pour eux aussi l'univers a sa beaute. Je vois au quai des Schiavoni le vapeur du Lido, charge de misses froides et de touristes aux gestes agacants. Une barque sous le plein soleil s'approche. Une fille de dix-sept ans, debout, avec aisance y chantait une chanson, eclatante comme ces vagues qui nous brulaient les yeux. Venise, l'atmosphere bleue et or, l'Adriatique qui fuit en s'attristant et cette voix nerveuse vers le ciel faisaient si cruellement ressortir la morne hebetude de ces marchands sans ame que je benis l'ordre des choses de m'avoir distingue de ces hommes dont je por
PREV.   NEXT  
|<   76   77   78   79   80   81   82   83   84   85   86   87   88   89   90   91   92   93   94   95   96   97   98   99   100  
101   102   103   104   105   106   107   108   109   110   111   112   113   114   115   116   >>  



Top keywords:
soleil
 
semaines
 
miserable
 
Schiavoni
 

Venise

 

Bragadin

 

raideur

 

mendiant

 

compris

 

anglaise


etendis

 

vegetation

 

serait

 

marbre

 

divine

 

antiques

 

tandis

 
musele
 
marbres
 

souvenir


ferait

 

matinee

 
allongeait
 

genoux

 

volupte

 

parfaite

 
seduction
 

realises

 

regardions

 
vieille

serpent

 
honnete
 

autour

 

attristant

 
nerveuse
 

faisaient

 

Adriatique

 

vagues

 

eclatante

 

brulaient


atmosphere

 
cruellement
 
choses
 

distingue

 

hommes

 

ressortir

 

hebetude

 

marchands

 

chanson

 
chantait