de lui-meme, il avait des elans religieux, il benissait sa
chere maitresse de lui avoir fait connaitre enfin l'amour vrai, chaste
et noble qu'il avait tant reve...." Paul de Musset insiste egalement
dans _Lui et Elle_ sur la prosperite de cette lune de miel. George Sand
etait alors, pour son amant, adorable de charme jeune et de tendresse.
Le souvenir de ces journees heureuses hanta souvent, plus tard, les
heures tristes de Musset: qu'etait devenue "la femme de Franchard?..."
Celle-ci, retracant cette existence radieuse dans la foret, assombrit
tout a coup le tableau par l'expose de querelles legeres qui devaient,
dit-elle, empoisonner leur naissant amour. D'une espece d'hallucination
qu'eut Musset, dans le ravin du cimetiere, ou il vit _son double_, mais
vieilli et repoussant comme un spectre de malheur, elle conclut a un
desequilibre profond du poete, le rendant incapable "de gouter la vie
douce et reglee qu'elle voulait lui donner". Musset racontait lui-meme
cette vision singuliere[70]; mais rien n'autorise a croire que leurs
joies furent des lors traversees de soucis et de craintes. Les
caricatures du poete, datees de ces heureux jours d'automne, etaient
toutes plaisantes. L'une d'elles represente George Sand a cheval, vue
de dos, et a droite la croupe du cheval de son ami de qui le chapeau
s'envole,--avec cette legende: "Admirable sang-froid du cheval nomme
_Gerdes_, a la vue d'un danger imprevu.--Scene des montagnes ou l'on
voit la qualite de mon chapeau et le derriere de mon oisillon."
[Note 70: Peut-etre y fait-il allusion dans la _Nuit de Decembre_.]
Rentres a Paris, ils passerent deux mois parfaitement paisibles. Ces
deux mois n'ont donc pas d'histoire. Paul de Musset parle d'un diner
litteraire qu'ils donnerent a leurs amis, duquel etaient exclus
Planche, Boucoiran et Laurens ("Don Stentor" ou "Hercule", dans _Lui et
Elle[71]_"), ce qui causa grande rumeur parmi les habitues. Ils avaient
renouvele le personnel du salon violet. Ils travaillaient aussi peu l'un
que l'autre. Dans les soirees intimes du quai Malaquais, on trouvait
Alfred dessinant, George fumant force cigarettes, silencieuse, ecoutant
Toujours.
[Note 71: Un grand ami de G. Sand a ses debuts. Le peintre
Bonaventure Laurens, de Carpentras(1801-1890), je suppose, qui rapporta
de Majorque (1840) ou elle sejournait alors avec Chopin, des _Souvenirs
d'un voyage d'art._ On n'a rien ecrit des relations de George Sand
avec Laurens, tot disparu de
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