nne des vocables sonores,
colores et beaux, les rythme en retentissantes cadences, developpe de
nobles visions, splendides, grandioses ou d'une haute horreur. Des
hommes gigantesques et primitifs, a l'ame concise et puisant dans cette
retraction de leur etre une formidable energie, accomplissent ou
subissent d'effroyables forfaits. Leurs actes se deploient en
etincelants decors ou se fige la splendeur des ors, des porphyres, des
pourpres, des airains, et que lavent parfois de larges ruisseaux de
sang. Et parmi ces architectures, entre l'embrasement des catastrophes,
sous les yeux droits et males, d'etranges femmes passent. Elles sont
menues, graves, soumises, et comme dormantes. Tantot sortant du temple,
elles supplient, cambrees, au haut de leur palais, les astres qui
tressaillent au fremissement de leurs levres; tantot elles prennent de
leur corps anxieux de purete, des soins inouis, le macerant de parfums,
l'enduisant d'onguents, le frolant de soies, au point que la jouissance
de leur lit promet une joie delictueuse et mortelle.
Sous les platanes, dans un jardin diapre de lis et de roses, les
mercenaires celebrant leur festin; la lente apparition de Salammbo
descendue les apaiser, a la fois peureuse et divine, l'expedition
nocturne de Matho et Spendius dans le temple de Tanit, l'horreur de ces
voutes et le charme du passage du chef par la chambre alanguie ou
Salammbo dort entre la delicatesse des choses; le retour d'Hamilcar, son
recueillement dans la maison du Suffete-de-la-Mer; Salammbo partant
racheter de son corps le voile de la deesse, son accoutrement d'idole et
ses rales mesures, quand le chef des barbares rompt la chainette de ses
pieds; puis le siege enorme de Carthage, la foule des peuplades
accourues, l'ecrasement des cadavres, l'horreur des blessures, et sur ce
carnage rouge, l'implacable resplendissement de Moloch; l'agonie de
toute une ville, puis par un revers l'agonie de toute une armee, les
dernieres batailles, et, entre celles-ci, l'entrevue si curieusement
mievre et grave, ou Salammbo voilee et parlant a peine recoit le prince
son fiance en un jardin peu fleuri que passent des biches trainant a
leurs sabots pointus, des plumes de paons eparses, enfin le supplice de
Matho et les joies nuptiales, melant des chocs de verres et des odeurs
de mets au dechirement d'un homme par un peuple, jusqu'a ce qu'aux yeux
de Salammbo defaillante en l'agitation secrete de ses sens, Schahabarim
arrache au supplicie
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