ciance des lois naturelles, Flaubert ne tarit pas en
dissimules sarcasmes. Certains personnages, Homais, mieux encore le
formidable Regimbart de l'_Education_, exposent toute la platitude
humaine, folatre ou grognonne, en des individuations si completes
qu'elles peuvent etre erigees en types. D'autres, pris, semble-t-il,
avec une particuliere conscience, au plein milieu de l'humanite
courante, Charles Bovary, cet etre essentiellement mediocre et chez qui
une bonte molle ajoute a l'insupportable pesanteur morale,--Jacques
Arnoux, plus canaille et plus rejoui, mais non moins irresponsable,
beat, et odieux, traduisent tout ce que le type humain social de la
moyenne contient de lourde bassesse et de haissable laisser-aller. Et
ces etres qui presentent a la vie la carapace de leur stupidite,
rubiconds et point mechants, oppriment, grace a d'obscenes
accouplements, ces admirables femmes, Mme Bovary, superieure par la
volonte, Mme Arnoux superieure par les sentiments, qui, avilies ou
contenues, subissent le long martyre d'une vie de tous cotes cruellement
fermee. Qu'elles se debattent, l'une entre une tourbe de niais et avide
de trouver une ame assonante a la sienne, elle prostitue son corps et
ses cris a de bas goujat et meurt abandonnee de tous par le fier refus
de l'indulgence de celui qui la fit la femme d'un imbecile; que l'autre,
plus intimement malheureuse, froissee sans cesse par le choquant contact
d'un rustre, renoncant en un pudique et sage pressentiment, a l'amour
probablement chetif d'un jeune homme "de toutes les faiblesses",
insultee par les filles, haie de son enfant, et finissant en une
hautaine indulgence par faire a son mari l'aumone de soins
delicats,--toutes deux mesurent l'amertume de la vie, hostile aux
nobles, et paient la peine de n'etre pas telles que ceux qui les
coudoient. Et la vie passe sur elles; de petits incidents ont lieu: la
betise d'une republique succede a la niaiserie d'une royaute; quelques
annees de vie de province s'ecoulent en vides propos et minces
occurrences; des entreprises sont tentees aupres d'elles, reussissent ou
echouent sans qu'il leur importe, et dans ce plat chemin qui les conduit
et tous a une formidable halte, elles ne sentent intensement que le
malheur de songer a leur sort. Car Flaubert interdit de troubler la
tristesse du reve par l'excitation de l'acte. Dans ce curieux livre,
_Bouvard et Pecuchet_, qui est comme la necrologie de toutes les
occupations humaines, il s'at
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