cesse, jeune, belle, riche,
etre comparee a la pauvre La Valliere, aussi jeune qu'elle, c'est
vrai, mais bien moins jolie, mais tout a fait pauvre? Et que cela
n'etonne point de la part de Madame; on le sait, les plus grands
caracteres sont ceux qui se flattent le plus dans la comparaison
qu'ils font d'eux aux autres, des autres a eux.
Peut-etre demandera-t-on ce que voulait Madame avec cette attaque
si savamment combinee? Pourquoi tant de forces deployees, s'il ne
s'agissait de debusquer serieusement le roi d'un coeur tout neuf
dans lequel il comptait se loger! Madame avait-elle donc besoin de
donner une pareille importance a La Valliere, si elle ne redoutait
pas La Valliere?
Non, Madame ne redoutait pas La Valliere, au point de vue ou un
historien qui sait les choses voit l'avenir, ou plutot le passe;
Madame n'etait point un prophete ou une sibylle; Madame ne pouvait
pas plus qu'un autre lire dans ce terrible et fatal livre de
l'avenir qui garde en ses plus secretes pages les plus serieux
evenements.
Non, Madame voulait purement et simplement punir le roi de lui
avoir fait une cachotterie toute feminine; elle voulait lui
prouver clairement que s'il usait de ce genre d'armes offensives,
elle, femme d'esprit et de race, trouverait certainement dans
l'arsenal de son imagination des armes defensives a l'epreuve meme
des coups d'un roi.
Et d'ailleurs, elle voulait lui prouver que, dans ces sortes de
guerre, il n'y a plus de rois, ou tout au moins que les rois,
combattant pour leur propre compte comme des hommes ordinaires,
peuvent voir leur couronne tomber au premier choc; qu'enfin, s'il
avait espere etre adore tout d'abord, de confiance, a son seul
aspect, par toutes les femmes de sa cour, c'etait une pretention
humaine, temeraire, insultante pour certaines plus haut placees
que les autres, et que la lecon, tombant a propos sur cette tete
royale, trop haute et trop fiere, serait efficace.
Voila certainement quelles etaient les reflexions de Madame a
l'egard du roi.
L'evenement restait en dehors.
Ainsi, l'on voit qu'elle avait agi sur l'esprit de ses filles
d'honneur et avait prepare dans tous ses details la comedie qui
venait de se jouer.
Le roi en fut tout etourdi. Depuis qu'il avait echappe a
M. de Mazarin, il se voyait pour la premiere fois traite en homme.
Une pareille severite, de la part de ses sujets, lui eut fourni
matiere a resistance. Les pouvoirs croissent dans la lutte.
Mais s'attaque
|