en prie, je vous en supplie, il
est temps; songez a une chose, c'est que si le roi se trouvait
mal, je serais oblige d'appeler son medecin. Ah! quelle extremite,
mon Dieu! Mademoiselle, chere mademoiselle, revenez a vous, faites
un effort, vite, vite!
Il etait difficile de deployer plus d'eloquence persuasive que ne
le faisait Saint-Aignan; mais quelque chose de plus energique et
de plus actif encore que cette eloquence reveilla La Valliere.
Le roi s'etait agenouille devant elle, et lui imprimait dans la
paume de la main ces baisers brulants qui sont aux mains ce que le
baiser des levres est au visage. Elle revint enfin a elle, rouvrit
languissamment les yeux, et, avec un mourant regard:
-- Oh! Sire, murmura-t-elle, Votre Majeste m'a donc pardonne?
Le roi ne repondit pas... il etait encore trop emu.
De Saint-Aignan crut devoir s'eloigner de nouveau... Il avait
devine la flamme qui jaillissait des yeux de Sa Majeste.
La Valliere se leva.
-- Et maintenant, Sire, dit-elle avec courage, maintenant que je
me suis justifiee, je l'espere du moins, aux yeux de Votre
Majeste, accordez-moi de me retirer dans un couvent. J'y benirai
mon roi toute ma vie, et j'y mourrai en aimant Dieu, qui m'a fait
un jour de bonheur.
-- Non, non, repondit le roi, non, vous vivrez ici en benissant
Dieu, au contraire, mais en aimant Louis, qui vous fera toute une
existence de felicite, Louis qui vous aime, Louis qui vous le
jure!
-- Oh! Sire, Sire!...
Et sur ce doute de La Valliere, les baisers du roi devinrent si
brulants, que de Saint-Aignan crut qu'il etait de son devoir de
passer de l'autre cote de la tapisserie.
Mais ces baisers, qu'elle n'avait pas eu la force de repousser
d'abord, commencerent a bruler la jeune fille.
-- Oh! Sire, s'ecria-t-elle alors, ne me faites pas repentir
d'avoir ete si loyale, car ce serait me prouver que Votre Majeste
me meprise encore.
-- Mademoiselle, dit soudain le roi en se reculant plein de
respect, je n'aime et n'honore rien au monde plus que vous, et
rien a ma cour ne sera, j'en jure Dieu, aussi estime que vous ne
le serez desormais; je vous demande donc pardon de mon
emportement, mademoiselle, il venait d'un exces d'amour; mais je
puis vous prouver que j'aimerai encore davantage, en vous
respectant autant que vous pourrez le desirer.
Puis, s'inclinant devant elle et lui prenant la main:
-- Mademoiselle, lui dit-il, voulez-vous me faire cet honneur
d'agreer le baiser que je
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