telligent fait avec un secret.
-- Mais comment arriver a elle?
-- Vous me demandez cela? fit Aramis.
-- Sans doute, je n'aurai pas le temps de m'occuper d'elle.
-- Elle est pauvre, elle est humble, vous lui creerez une
position: soit qu'elle subjugue le roi comme maitresse, soit
qu'elle ne se rapproche de lui que comme confidente, vous aurez
fait une nouvelle adepte.
-- C'est bien, dit Fouquet. Que ferons-nous a l'egard de cette
petite?
-- Quand vous avez desire une femme, qu'avez-vous fait, monsieur
le surintendant?
-- Je lui ai ecrit. J'ai fait mes protestations d'amour. J'y ai
ajoute mes offres de service, et j'ai signe Fouquet.
-- Et nulle n'a resiste?
-- Une seule, dit Fouquet. Mais il y a quatre jours qu'elle a cede
comme les autres.
-- Voulez-vous prendre la peine d'ecrire? dit Aramis a Fouquet en
lui presentant une plume.
Fouquet la prit.
-- Dictez, dit-il. J'ai tellement la tete occupee ailleurs, que je
ne saurais trouver deux lignes.
-- Soit, fit Aramis. Ecrivez.
Et il dicta:
"Mademoiselle, je vous ai vue, et vous ne serez point etonnee que
je vous aie trouvee belle.
Mais vous ne pouvez, faute d'une position digne de vous, que
vegeter a la Cour.
L'amour d'un honnete homme, au cas ou vous auriez quelque
ambition, pourrait servir d'auxiliaire a votre esprit et a vos
charmes.
Je mets mon amour a vos pieds; mais, comme un amour, si humble et
si discret qu'il soit, peut compromettre l'objet de son culte, il
ne sied pas qu'une personne de votre merite risque d'etre
compromise sans resultat sur son avenir.
Si vous daignez repondre a mon amour, mon amour vous prouvera sa
reconnaissance en vous faisant a tout jamais libre et
independante."
Apres avoir ecrit, Fouquet regarda Aramis.
-- Signez, dit celui-ci.
-- Est-ce bien necessaire?
-- Votre signature au bas de cette lettre vaut un million; vous
oubliez cela, mon cher surintendant.
Fouquet signa.
-- Maintenant, par qui enverrez-vous la lettre? demanda Aramis.
-- Mais par un valet excellent.
-- Dont vous etes sur?
-- C'est mon grison ordinaire.
-- Tres bien.
-- Au reste, nous jouons, de ce cote-la, un jeu qui n'est pas
lourd.
-- Comment cela?
-- Si ce que vous dites est vrai des complaisances de la petite
pour le roi et pour Madame, le roi lui donnera tout l'argent
qu'elle peut desirer.
-- Le roi a donc de l'argent? demanda Aramis.
-- Dame! il faut croire, il n'en demande plus.
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