our M. Fouquet, dont les courtisans,
depuis sa faveur de la veille, faisaient plus de cas que jamais,
qui venait, de son cote, d'un air affable et tout a fait heureux,
faire sa cour au roi.
Instinctivement, en voyant Fouquet, le roi se retourna vers
Colbert.
Colbert souriait et paraissait lui-meme plein d'amenite et de
jubilation. Ce bonheur lui etait venu depuis qu'un de ses
secretaires etait entre et lui avait remis un portefeuille que,
sans l'ouvrir, Colbert avait introduit dans la vaste poche de son
haut-de-chausses.
Mais, comme il y avait toujours quelque chose de sinistre au fond
de la joie de Colbert, Louis opta, entre les deux sourires, pour
celui de Fouquet.
Il fit signe au surintendant de monter; puis, se retournant vers
Lyonne et Colbert:
-- Achevez, dit-il, ce travail, posez-le sur mon bureau, je le
lirai a tete reposee.
Et il sortit.
Au signe du roi, Fouquet s'etait hate de monter. Quant a Aramis,
qui accompagnait le surintendant, il s'etait gravement replie au
milieu du groupe de courtisans vulgaires, et s'y etait perdu sans
meme avoir ete remarque par le roi.
Le roi et Fouquet se rencontrerent en haut de l'escalier.
-- Sire, dit Fouquet en voyant le gracieux accueil que lui
preparait Louis, Sire, depuis quelques jours Votre Majeste me
comble. Ce n'est plus un jeune roi, c'est un jeune dieu qui regne
sur la France, le dieu du plaisir du bonheur et de l'amour.
Le roi rougit. Pour etre flatteur, le compliment n'en etait pas
moins un peu direct.
Le roi conduisit Fouquet dans un petit salon qui separait son
cabinet de travail de sa chambre a coucher.
-- Savez-vous bien pourquoi je vous appelle? dit le roi en
s'asseyant sur le bord de la croisee, de facon a ne rien perdre de
ce qui se passerait dans les parterres sur lesquels donnait la
seconde entree du pavillon de Madame.
-- Non, Sire... mais c'est pour quelque chose d'heureux, j'en suis
certain, d'apres le gracieux sourire de Votre Majeste.
-- Ah! vous prejugez?
-- Non, Sire, je regarde et je vois.
-- Alors, vous vous trompez.
-- Moi, Sire?
-- Car je vous appelle, au contraire, pour vous faire une
querelle.
-- A moi, Sire?
-- Oui, et des plus serieuses.
-- En verite, Votre Majeste m'effraie... et cependant j'attends,
plein de confiance dans sa justice et dans sa bonte.
-- Que me dit-on, monsieur Fouquet, que vous preparez une grande
fete a Vaux?
Fouquet sourit comme fait le malade au premier frisson
|