es pierreries de France, et surtout des
perles d'une telle grosseur, qu'elles faisaient soupirer le roi
chaque fois qu'il les voyait, parce que les perles de sa couronne
n'etaient que grains de mil aupres de celles-la.
Anne d'Autriche n'avait plus de beaute ni de charmes a sa
disposition. Elle se fit riche et proposa pour appat a ceux qui
viendraient chez elle, soit de bons ecus d'or a gagner au jeu,
soit de bonnes dotations habilement faites les jours de bonne
humeur, soit des aubaines de rentes qu'elle arrachait au roi en
sollicitant, ce qu'elle s'etait decidee a faire pour entretenir
son credit.
Et d'abord elle essaya de ce moyen sur Madame, dont la possession
lui etait la plus precieuse de toutes.
Madame, malgre l'intrepide confiance de son esprit et de sa
jeunesse, donna tete baissee dans le panneau qui etait ouvert
devant elle. Enrichie peu a peu par des dons par des cessions,
elle prit gout a ces heritages anticipes.
Anne d'Autriche usa du meme moyen sur Monsieur et sur le roi lui-
meme.
Elle institua chez elle des loteries.
Le jour ou nous sommes arrives, il s'agissait d'un medianoche chez
la reine mere, et cette princesse mettait en loterie deux
bracelets fort beaux en brillants et d'un travail exquis.
Les medaillons etaient des camees antiques de la plus grande
valeur; comme revenu, les diamants ne representaient pas une somme
bien considerable, mais l'originalite, la rarete de travail
etaient telles, qu'on desirait a la Cour non seulement posseder,
mais voir ces bracelets aux bras de la reine, et que, les jours ou
elles les portait, c'etait une faveur que d'etre admis a les
admirer en lui baisant les mains.
Les courtisans avaient meme a ce sujet adopte des variantes de
galanterie pour etablir cet aphorisme, que les bracelets eussent
ete sans prix s'ils n'avaient le malheur de se trouver en contact
avec des bras pareils a ceux de la reine.
Ce compliment avait eu l'honneur d'etre traduit dans toutes les
langues de l'Europe, plus de mille distiques latins et francais
circulaient sur cette matiere.
Le jour ou Anne d'Autriche se decida pour la loterie, c'etait un
moment decisif: le roi n'etait pas venu depuis deux jours chez sa
mere. Madame boudait apres la grande scene des dryades et des
naiades.
Le roi ne boudait plus; mais une distraction toute-puissante
l'enlevait au dessus des orages et des plaisirs de la Cour.
Anne d'Autriche opera sa diversion en annoncant la fameuse loterie
c
|