hez elle pour le soir suivant.
Elle vit, a cet effet, la jeune reine, a qui, comme nous l'avons
dit, elle demanda une visite le matin.
-- Ma fille, lui dit-elle, je vous annonce une bonne nouvelle. Le
roi m'a dit de vous les choses les plus tendres. Le roi est jeune
et facile a detourner; mais, tant que vous vous tiendrez pres de
moi, il n'osera s'ecarter de vous, a qui, d'ailleurs, il est
attache par une tres vive tendresse. Ce soir, il y a loterie chez
moi: vous y viendrez?
-- On m'a dit, fit la jeune reine avec une sorte de reproche
timide, que Votre Majeste mettait en loterie ses beaux bracelets,
qui sont d'une telle rarete, que nous n'eussions pas du les faire
sortir du garde-meuble de la couronne, ne fut-ce que parce qu'ils
vous ont appartenu.
-- Ma fille, dit alors Anne d'Autriche, qui entrevit toute la
pensee de la jeune reine et voulut la consoler de n'avoir pas recu
ce present, il fallait que j'attirasse chez moi a tout jamais
Madame.
-- Madame? fit en rougissant la jeune reine.
-- Sans doute; n'aimez-vous pas mieux avoir chez vous une rivale
pour la surveiller et la dominer, que de savoir le roi chez elle,
toujours dispose a courtiser comme a l'etre? Cette loterie est
l'attrait dont je me sers pour cela: me blamez-vous?
-- Oh! non! fit Marie-Therese en frappant dans ses mains avec cet
enfantillage de la joie espagnole.
-- Et vous ne regrettez plus, ma chere, que je ne vous aie pas
donne ces bracelets, comme c'etait d'abord mon intention?
-- Oh! non, oh! non, ma bonne mere!...
-- Eh bien! ma chere fille, faites-vous bien belle, et que notre
medianoche soit brillant: plus vous y serez gaie, plus vous y
paraitrez charmante, et vous eclipserez toutes les femmes par
votre eclat comme par votre rang.
Marie-Therese partit enthousiasmee.
Une heure apres, Anne d'Autriche recevait chez elle Madame, et, la
couvrant de caresses:
-- Bonnes nouvelles! disait-elle, le roi est charme de ma loterie.
-- Moi, dit Madame, je n'en suis pas aussi charmee; voir de beaux
bracelets comme ceux-la aux bras d'une autre femme que vous, ma
reine, ou moi, voila ce a quoi je ne puis m'habituer.
-- La! la! dit Anne d'Autriche en cachant sous un sourire une
violente douleur qu'elle venait de sentir, ne vous revoltez pas,
jeune femme... et n'allez pas tout de suite prendre les choses au
pis.
-- Ah! madame, le sort est aveugle... et vous avez, m'a-t-on dit,
deux cents billets?
-- Tout autant. Mais vous
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