r a des femmes, etre attaque par elles, avoir ete
joue par de petites provinciales arrivees de Blois tout expres
pour cela, c'etait le comble du deshonneur pour un jeune roi plein
de la vanite que lui inspiraient a la fois et ses avantages
personnels et son pouvoir royal.
Rien a faire, ni reproches, ni exil, ni meme bouderies.
Bouder, c'eut ete avouer qu'on avait ete touche, comme Hamlet, par
une arme demouchetee, l'arme du ridicule.
Bouder des femmes! quelle humiliation! surtout quand ces femmes
ont le rire pour vengeance.
Oh! si, au lieu d'en laisser toute la responsabilite a des femmes,
quelque courtisan se fut mele a cette intrigue, avec quelle joie
Louis XIV eut saisi cette occasion d'utiliser la Bastille!
Mais la encore la colere royale s'arretait, repoussee par le
raisonnement.
Avoir une armee, des prisons, une puissance presque divine, et
mettre cette toute-puissance au service d'une miserable rancune,
c'etait indigne, non seulement d'un roi, mais meme d'un homme.
Il s'agissait donc purement et simplement de devorer en silence
cet affront et d'afficher sur son visage la meme mansuetude, la
meme urbanite.
Il s'agissait de traiter Madame en amie. En amie!... Et pourquoi
pas?
Ou Madame etait l'instigatrice de l'evenement, ou l'evenement
l'avait trouvee passive.
Si elle avait ete l'instigatrice, c'etait bien hardi a elle, mais
enfin n'etait-ce pas son role naturel?
Qui l'avait ete chercher dans le plus doux moment de la lune
conjugale pour lui parler un langage amoureux? Qui avait ose
calculer les chances de l'adultere, bien plus de l'inceste? Qui,
retranche derriere son omnipotence royale, avait dit a cette jeune
femme: "Ne craignez rien, aimez le roi de France, il est au-dessus
de tous, et un geste de son bras arme du sceptre vous protegera
contre tous, meme contre vos remords?"
Donc, la jeune femme avait obei a cette parole royale, avait cede
a cette voix corruptrice, et maintenant qu'elle avait fait le
sacrifice moral de son honneur, elle se voyait payee de ce
sacrifice par une infidelite d'autant plus humiliante qu'elle
avait pour cause une femme bien inferieure a celle qui avait
d'abord cru etre aimee.
Ainsi, Madame eut-elle ete l'instigatrice de la vengeance, Madame
eut eu raison.
Si, au contraire, elle etait passive dans tout cet evenement, quel
sujet avait le roi de lui en vouloir?
Devait-elle, ou plutot pouvait-elle arreter l'essor de quelques
langues provinciales? dev
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