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bois, meme des pierres, meme une fabrique... D'ailleurs, l'histoire est
la pour vous dire que le vieux Robinson, de retour en Angleterre, reprit
la mer, et fit je ne sais combien de mille lieues pour revoir son ile
deserte.
Il n'est donc pas etonnant que, pour revoir la sienne, le petit Chose
fasse quelques pas.
Deja les grands platanes, dont la tete empanachee regarde par-dessus les
maisons, ont reconnu leur ancien ami qui vient vers eux a toutes jambes.
De loin ils lui font signe et se penchent les uns vers les autres, comme
pour se dire: voila Daniel Eyssette! Daniel Eyssette est de retour!
Et lui se depeche, se depeche; mais, arrive devant la fabrique, il
s'arrete stupefait.
De grandes murailles grises sans un bout de laurier-rose ou de grenadier
qui depasse... Plus de fenetres, des lucarnes; plus d'ateliers, une
chapelle. Au-dessus de la porte, une grosse croix de gres rouge avec un
peu de latin autour!...
O douleur! la fabrique n'est plus la fabrique; c'est un couvent de
carmelites, ou les hommes n'entrent jamais.
V
GAGNE TA VIE
Sarlande est une petite ville des Cevennes, batie au fond d'une etroite
vallee que la montagne enserre de partout comme un grand mur. Quand le
soleil y donne, c'est une fournaise; quand la tramontane souffle, une
glaciere...
Le soir de mon arrivee, la tramontane faisait rage depuis le matin; et
quoiqu'on fut au printemps, le petit Chose, perche sur le haut de la
diligence, sentit, en entrant dans la ville, le froid le saisir jusqu'au
coeur.
Les rues etaient noires et desertes... Sur la place d'armes, quelques
personnes attendaient la voiture, en se promenant de long en large
devant le bureau mal eclaire.
A peine descendu de mon imperiale, je me fis conduire au college, sans
perdre une minute. J'avais hate d'entrer en fonctions.
Le college n'etait pas loin de la place; apres m'avoir fait traverser
deux ou trois larges rues silencieuses, l'homme qui portait ma malle
s'arreta devant une grande maison, ou tout semblait mort depuis des
annees.
"C'est ici", dit-il, en soulevant l'enorme marteau de la porte...
Le marteau retomba lourdement, lourdement... La porte s'ouvrit
d'elle-meme... Nous entrames.
J'attendis un moment sous le porche, dans l'ombre. L'homme posa sa malle
par terre, je le payai, et il s'en alla bien vite... Derriere lui,
l'enorme porte se referma lourdement, lourdement... Bientot apres, un
portier somnolent, tenant a la main une gros
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