poignet de fer s'abat sur lui. Il se sent saisi par le
milieu du corps et plante debout sur ses pieds, au bas de l'escabeau. En
meme temps une voix rude et narquoise, qu'il connait bien, lui dit: "En
voila une idee, de faire du trapeze a cette heure!"
Le petit Chose se retourne, stupefait.
C'est l'abbe Germane, l'abbe Germane sans sa soutane, en culotte courte,
avec son rabat flottant sur son gilet. Sa belle figure laide sourit
tristement, a demi eclairee par la lune.... Une seule main lui a suffi
pour mettre le suicide par terre; de l'autre main il tient encore sa
carafe qu'il vient de remplir a la fontaine de la cour.
De voir la tete effaree et les yeux pleins de larmes du petit Chose,
l'abbe Germane a cesse de sourire, et il repete, mais cette fois d'une
voix douce et presque attendrie:
"Quelle drole d'idee, mon cher Daniel, de faire du trapeze a cette
heure!"
Le petit Chose est tout rouge, tout interdit.
"Je ne fais pas du trapeze, monsieur l'abbe, je veux mourir.
--Comment!... mourir?... Tu as donc bien du chagrin?
--Oh!... repond le petit Chose avec de grosses larmes brulantes qui
roulent sur ses joues.
--Daniel, tu vas venir avec moi", dit l'abbe.
Le petit Daniel fait signe que non et montre l'anneau de fer avec la
cravate.... L'abbe Germane le prend par la main: "Voyons! monte dans ma
chambre; si tu veux te tuer, eh bien, tu te tueras la-haut: il y a du
feu, il fait bon."
Mais le petit Chose resiste: "Laissez-moi mourir, monsieur l'abbe. Vous
n'avez pas le droit de m'empecher de mourir."
Un eclair de colere passe dans les yeux du pretre: "Ah! c'est comme
cela!" dit-il. Et prenant brusquement le petit Chose par la ceinture,
il l'emporta sous son bras comme un paquet, malgre sa resistance et ses
supplications....
....Nous voici maintenant chez l'abbe Germane: un grand feu brille dans
la cheminee; pres du feu, il y a une table avec une lampe allumee, des
pipes et des tas de papier charges de pattes de mouche.
Le petit Chose est assis au coin de la cheminee. Il est tres agite, il
parle beaucoup, il raconte sa vie, ses malheurs et pourquoi il a voulu
en finir. L'abbe l'ecoute en souriant; puis, quand l'enfant a bien
parle, bien pleure, bien degonfle son pauvre coeur malade, le brave
homme lui prend les mains et lui dit tres tranquillement:
"Tout cela n'est rien, mon garcon, et tu aurais ete joliment bete de te
mettre a mort pour si peu. Ton histoire est fort simple: on t'a chasse
du
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