ude, on voyait
sortir des pupitres une foule de petits calendriers, et chaque enfant
rayait sur le sien le jour qui venait de finir: "Encore un de moins!"
Les cours etaient pleines de planches pour l'estrade; on battait des
fauteuils, on secouait les tapis... plus de travail, plus de discipline.
Seulement, toujours, jusqu'au bout, la haine du pion et les farces, les
terribles farces.
Enfin, le grand jour arriva. Il etait temps; je n'y pouvais plus tenir.
On distribua les prix dans ma cour, la cour des moyens... je la vois
encore avec sa tente bariolee, ses murs couverts de draperies blanches,
ses grands arbres verts pleins de drapeaux, et la-dessous tout un
fouillis de toques, de kepis, de shakos, de casques, de bonnets a
fleurs, de claques brodes, de plumes, de rubans, de pompons, de
panaches... Au fond, une longue estrade ou etaient installees les
autorites du college dans des fauteuils en velours grenat... Oh! cette
estrade, comme on se sentait petit devant elle! Quel grand air de dedain
et de superiorite elle donnait a ceux qui etaient dessus! Aucun de ces
messieurs n'avait plus sa physionomie habituelle.
L'abbe Germane etait sur l'estrade, lui aussi, mais il ne paraissait pas
s'en douter. Allonge dans son fauteuil, la tete renversee, il ecoutait
ses voisins d'une oreille distraite et semblait suivre de l'oeil, a
travers le feuillage, la fumee d'une pipe imaginaire.
Aux pieds de l'estrade, la musique, trombones et ophicleides, reluisant
au soleil; les trois divisions entassees sur des bancs, avec les maitres
en serre-file; puis, derriere, la cohue des parents, le professeur de
seconde offrant le bras aux dames en criant: "Place! place!" et enfin,
perdues au milieu de la foule, les clefs de M. Viot qui couraient d'un
bout de la cour a l'autre et qu'on entendait--frinc! frinc! frinc!--a
droite, a gauche, ici, partout en meme temps.
La ceremonie commenca, il faisait chaud. Pas d'air sous la tente... il y
avait de grosses dames cramoisies qui sommeillaient a l'ombre de leurs
marabouts, et des messieurs chauves qui s'epongeaient la tete avec
des foulards ponceau. Tout etait rouge: les visages, les tapis, les
drapeaux, les fauteuils... Nous eumes trois discours, qu'on applaudit
beaucoup; mais moi, je ne les entendis pas. La-haut, derriere la fenetre
du premier etage, les yeux noirs cousaient a leur place habituelle, et
mon ame allait vers eux... Pauvres yeux noirs! meme ce jour-la, la fee
aux lunettes ne les lai
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