pprendre ce qui peut etre enseigne. J'irai dans l'atelier de quelque
maitre. Je me ferai d'abord esclave du metier, et, quand j'en tiendrai
un peu les procedes, je lacherai la bride a mes instincts. Alors, vous
me jugerez, et, si j'ai quelque talent, je ferai des efforts pour en
avoir davantage. Sinon, j'accepterai ma nullite avec une resignation
complete, et peut-etre avec une certaine joie.
--Aie! m'ecriai-je, voici le fond de paresse ou d'apathie qui reparait.
--Vous croyez?
--Oui! pourquoi se rejouir d'etre nul?
--Parce qu'il me semble que le talent impose des devoirs immenses, et
que j'aurais plutot le gout des humbles devoirs. C'est si peu la paresse
qui me conseille, que, si je trouvais a m'employer honorablement au
service d'une grande intelligence, je me sentirais fort heureux d'avoir
a jouir de sa gloire sans en porter le fardeau. Avoir tout juste assez
d'ame pour savourer la grandeur des autres, pour la sentir vivre au
dedans de soi, sans etre force par la nature a la manifester avec eclat,
c'est un etat delicieux que j'ambitionne; c'est mon reve de douce
mediocrite que je caresse: la mediocrite de condition, avec l'elevation
du coeur et de la pensee, l'expansion dans l'intimite, la foi a quelque
chose d'immortel et a quelqu'un de vivant. Suis-je donc si coupable a
vos yeux, de vouloir apprendre pour comprendre, et de ne rien desirer de
plus?
--A la bonne heure! Essaye! Je ne crois pas que cette modestie t'empeche
d'acquerir du talent, si tu dois en avoir. Il faudra pourtant songer a
apprendre assez pour faire au moins de cette peinture un petit metier;
car, avec tes mille francs de rente...
--Douze cents francs! Mon revenu capitalise depuis dix ans par mon
oncle, a porte mon revenu a ce chiffre respectable de cent francs par
mois. Mais je me suis bien apercu, depuis que je vis a Paris, que, par
le temps qui court, il est impossible de mener avec cela la vie de
loisir et de liberte. Il faudrait le double et beaucoup d'ordre. La
question est d'acquerir l'un et de me procurer l'autre, non pas pour
mener cette vie de fils de famille que je ne convoite pas, mais pour
payer le materiel de mon apprentissage, qui est dispendieux, je le sais.
--Que feras-tu donc, je ne dis pas pour avoir une rigoureuse economie,
cela depend de toi, mais pour gagner cent francs par mois, en sus de ta
rente, sans renoncer a la peinture, qui, pendant trois ou quatre ans au
moins, ne te rapportera rien et te coutera beaucou
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