rets, de linottes, de tourterelles, aussitot il lui etait
indique. Parvenait-on, en fauchant les fertiles prairies qu'arrose la
Loire, a prendre des cailles, de petits lapins, deja vigoureux a la
course, tout etait offert a la bonne Amelie. Elle avait forme une espece
de menagerie de tous les dons qu'elle avait recus.
Parmi les personnes attachees au service de madame Dorval etait un
pauvre vieillard infirme appele _Daniel_. A force de becher la terre
depuis quatre-vingts ans, il avait le dos voute; sa tete, ou il ne
restait plus que quelques cheveux blancs echappes a l'ardeur du soleil,
etait penchee vers ses pieds couverts de durillons, qui ralentissaient
encore sa marche vacillante. Ses pauvres jambes, affaiblies par la
fatigue et par l'age, supportaient, non sans effort, son corps decharne,
et ses mains tremblantes soutenaient a peine le baton noueux sur lequel
il s'appuyait. Toutefois il n'avait aucune autre infirmite. On le
rencontrait toujours gai, travaillant autant que ses forces pouvaient le
permettre, et chevrotant la vieille chanson du pays.
Trop fier, quoique pauvre, pour etre a charge a ses maitres, il savait
encore se rendre utile, soit en arrachant les herbes parasites qui
croissaient dans le parterre, soit en ratissant les principales allees
des bosquets, emondant les arbrisseaux les plus rares, et portant un
arrosoir a moitie plein, pour rafraichir les rosiers de toutes especes
et les plantes etrangeres que reunissait ce jardin particulier d'Amelie.
C'etait son occupation cherie; il n'etait jamais plus heureux que
lorsqu'il entendait sa jeune maitresse, qu'il appelait toujours la
_p'tite mam'zelle_, dire a ceux qui s'etonnaient de l'admirable tenue de
son jardin: "C'est l'ouvrage du pere Daniel." On la nommait ainsi dans
toute la contree, ou l'on admirait son aptitude au travail, sa gaiete
franche et son heureux naturel. Tous les jeunes patres le saluaient avec
respect: chacun d'eux ambitionnait un sourire, un serrement de main
du pere Daniel. Tant il est vrai que la vieillesse imprime partout un
respect qui est independant des vertus dont elle offre l'exemple.
On concoit que ce digne vieillard avait un grand attachement pour la
p'tite mam'zelle, qu'il avait vue naitre, dont il avait servi le pere
et le grand-pere. Jamais il ne passait devant elle sans lui oter son
chapeau rapiece, sans lui offrir le bonjour le plus affectueux. Amelie,
de son cote, portait au pere Daniel le plus tendre interet. Ell
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