gmente encore la dangereuse position ou
se trouvent dix a douze personnes qui, les mains tendues vers le ciel,
implorent la celeste misericorde. Madame du Theil tenait pressees
contre son sein Caroline et Pamela: celles-ci, pour ne pas l'effrayer,
gardaient un morne silence. Deja le bac, tournant plusieurs fois sur
lui-meme, avait heurte contre plusieurs bancs de sable. Encore quelques
instants, et il allait etre englouti dans un abime qu'il etait
impossible d'apercevoir. Enfin, arrive une petite barque de pecheur que
dirigeaient, a force de rames, un jeune homme et une jeune femme attires
par les cris lamentables qui se faisaient entendre, et parmi lesquels
ils avaient distingue ceux de madame du Theil. C'etait Jean-Pierre et
sa fidele compagne. A ces cris dechirants d'une mere, repetes par les
personnes dont elle etait environnee, et qui avaient retenti jusque dans
la cabane du pecheur, il s'etait reveille en sursaut, et, se rappelant
avoir vu passer ses deux jeunes bienfaitrices, seconde par sa femme,
aussi empressee que lui de les secourir, il venait les sauver ou
s'engloutir avec elles dans l'abime. Il etait temps; le bac n'en etait
pas a vingt brasses d'eau. Caroline et Pamela reconnaissent Jean-Pierre
et cedent a ses vives instances. Elles passent des bras de madame
de Theil dans ceux du jeune pecheur; et toutes les trois elles sont
transportees au rivage avec plusieurs autres personnes de leur societe.
Tout le reste se sauva a la nage, an moment ou le bac fut submerge,
excepte les deux bateliers: victimes de leurs efforts, de leur audace,
ils ne purent eviter la mort qui les menacait.
Quelle ivresse eprouverent le pecheur et sa femme a la vue de
l'honorable famille qu'ils avaient sauvee, et surtout de ces deux jeunes
associees de bienfaisance auxquelles ils etaient redevables de leur
bonheur! Avec quel empressement ils firent secher leurs vetements, ils
rechaufferent a force de baisers leurs mains glacees par la frayeur,
et leur offrirent un breuvage pour calmer leurs sens agites! La
reconnaissance se prouve encore mieux par les actions que par les
paroles; et les pauvres gens ont une maniere de l'exprimer qui touche et
penetre le coeur. "Le ciel a donc permis, s'ecriait Jean-Pierre, que j'
puissions, non pas nous acquitter, c'est impossible, mais du moins vous
donner des preuves d' not' respectueux attachement!--Oh! comme j'avons
tressailli, dit a son tour la jeune femme, en entendant vos cris
plaintifs, ces v
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