des regrets que la reflexion seule
nous eut epargnes. Cela nous prouve que nous devons ne jamais rien
faire sans songer a l'effet qui doit etre produit, et ne jamais nous
abandonner etourdiment a tout ce qui peut nous amuser.
La vieille Marthe, veuve d'un pauvre vigneron, etait sans famille, sans
aucun appui sur la terre. Elle n'avait pour tout bien qu'une masure
et un petit jardin, ce qui ne pouvait suffire a son existence. Pour
subvenir a ses besoins, elle faisait les commissions des divers
habitants de son village, parmi lesquels etaient plusieurs proprietaires
de domaines importants, entre autres celui de l'ancienne abbaye de
Valliere, a deux lieues de Tours, sur la route de Nantes. Cette
delicieuse habitation, remarquable par sa position, d'ou l'on suit a
perte de vue la Loire et le Cher dans leur cours, appartenait a madame
de Courcelles, veuve d'un intendant militaire qui, tout en se faisant
estimer des officiers generaux et cherir du soldat, avait acquis une
fortune suffisante pour laisser en mourant une honnete aisance a sa
femme et a sa chere Zelia, unique fruit de l'union la plus heureuse.
Madame de Courcelles, remarquable par le bien qu'elle faisait dans le
pays, ainsi que par les hautes qualites qui la distinguaient, etait
d'une gaiete franche, communicative, et d'un enjouement inalterable.
Elle devait a ces heureux dons de la nature la resignation qu'elle avait
montree en perdant un epoux qu'elle aimait; et sa fille, dont elle seule
dirigeait l'education, semblait avoir le meme caractere. Douee d'une
imagination vive, souvent meme irreflechie, Zelia cedait trop facilement
a toutes les impressions qu'elle recevait, et commettait de frequentes
etourderies, des fautes graves, dont la faisaient bientot repentir
son coeur aimant et son heureux naturel. Il ne se passait pas de jour
qu'elle ne fit, a tous les gens de l'habitation de sa mere, quelques
niches dont ils riaient d'abord, mais qui finissaient quelquefois
par leur deplaire et les fatiguer. Il n'est rien, en effet, de plus
assommant, que cette manie de jouer des tours a tout le monde, de
badiner sur les choses serieuses, de tourner tout en plaisanterie.
L'exces de gaiete devient quelquefois pire que la tristesse meme; et
l'on fuit tous ces rieurs de profession, qui d'abord nous amusent
quelques instants, et produisent tout-a-coup la plus insupportable
satiete.
Zelia avait joue plus d'un tour a la vieille Marthe, qui demeurait a
l'entree de l'avenue
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