u coeur. Sa mere,
dont la vanite n'avait point de bornes, etouffait de colere. Le colonel
Saint-Marc ne pouvait retenir le rire inextinguible qu'excitait cette
scene plaisante. Hortense et Celine, se trouvant, en ce moment meme,
amplement vengees des plaisanteries ameres que leur adressait souvent
leur fiere voisine, ne purent s'empecher de rire a leur tour de
l'espieglerie du jeune sabotier; et celui-ci, designant au lieutenant de
chasseurs le ruban qu'il portait a sa boutonniere, lui dit gaiement, en
lui serrant la main: "Excusez, mon brave, si, pour un moment, j' nous
sommes fait, a votre insu, chevalier d'honneur, mais j' voulions venger
celui des bonnes gens qui nous ont fait naitre, et prouver a c'te belle
mam'zelle qu' lorsqu'on meprise les agriculteurs et qu'on ose s' montrer
a une noce d' village, on s'expose queuqu'fois a faire rire a ses
depens."
RESSOURCE EN SOI-MEME.
La fortune, capricieuse dans ses dons comme dans ses rigueurs, apporte
souvent des distances parmi les membres d'une meme famille. Cela nous
prouve que nous devons nous resigner avec courage aux desseins de la
Providence, et ne jamais envier les avantages qu'il accorde a nos
parents, a nos amis. On peut etre heureux dans un etat obscur comme dans
une position brillante, quand on a le contentement de soi-meme et le
pouvoir de suffire a ses besoins, soit par son travail, soit par son
economie; et l'on repete alors gaiement ces admirables paroles d'un
ancien poete latin qui avait fait une etude profonde du vrai bonheur:
"Que m'importe de voguer dans la vie sur un grand ou sur un petit
vaisseau? Je vogue, et cela me suffit."
Octavie, fille de M. Darmont, riche negociant a Tours, etait l'idole
de ses parents. Unique objet de leur tendresse, heritiere d'une grande
fortune, elle avait ete elevee dans un oubli total de ce qui concerne
l'interieur d'une maison, dans une ignorance complete de toutes les
necessites de la vie. Entouree de nombreux domestiques, ayant a ses
ordres particuliers une femme de chambre, bien qu'a peine elle comptat
quatorze printemps, Octavie regardait tous les besoins de son existence
comme prevus d'avance par le destin, qui l'avait si bien favorisee.
Assise nonchalamment sur un canape, indecise dans ses gouts, elle
bornait ses etudes a relire les _Contes des Fees_, et l'exercice de ses
talents a tracer au crayon un dessin de broderie, ou a s'accompagner
sur la harpe en chantant la romance du jour. Bientot alors l'
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