oisit parmi les jeunes filles
qui avaient offert la couronne de fleurs a la mariee celles dont la
couture etait l'etat habituel, et qui pouvaient la seconder dans son
projet. Elle les conduit a son appartement, taille sur la piece de
mousseline-gaze une robe pareille qu'elle avait faite pendant la nuit,
et s'etablit au milieu des jeunes ouvrieres, qui n'avaient qu'a coudre
ce qu'elle leur indiquait. Octavie les rejoint bientot, portant une
riche garniture, non de volubilis, mais de fleurs blanches que la mariee
lui avait pretee sur sa corbeille. Elle veut essayer d'aider les jeunes
ouvrieres, et de coudre elle-meme pour abreger le temps; mais elle se
pique les doigts et tache plusieurs morceaux de la robe. "Laisse-nous,
lui dit Fanni: chaque metier exige un apprentissage." L'atelier de
couture dirige par celle-ci produisit des merveilles, et, au bout de
deux heures a peine, elle eut la jouissance de revetir Octavie de sa
robe charmante, et de l'accompagner au banquet, ou chacun admira la
dignite de son maintien et l'elegance de sa taille. Elles reduisirent au
silence les critiques les plus austeres. Octavie, sortant tout-a-coup de
son indolence accoutumee, parut presque aussi spirituelle, aussi aimable
que Fanni: on ne parla que des deux cousines; on les cita comme des
modeles parfaits de grace, de candeur et de bon ton.
Mais, si l'une etait ravie de s'etre montree avec tous ses avantages,
l'amie etait bien plus heureuse d'avoir pu, par son adresse et son
travail, eviter un chagrin a l'amie de son enfance. Fanni devenait en ce
moment la plus riche; et sa cousine, en se jetant dans ses bras, lui dit
avec l'expression d'une vive reconnaissance: "Je te dois beaucoup, chere
amie: je veux te devoir plus encore. Apprends-moi, de grace, a faire
moi-meme tout ce qui compose la toilette d'une femme; fais que je puisse
aussi, le jour de ma naissance, paraitre vetue entierement du travail
de mes mains! tu trouveras en moi l'apprentie la plus soumise, la plus
zelee. Ah! tu m'as fait connaitre une verite qui jamais ne s'effacera
de mon souvenir. Oui, quels que soient le rang et la fortune que l'on
possede dans le monde, quelles que soient les faveurs dont la nature ait
voulu nous combler, le plus grand bonheur en tous temps, en tous lieux,
a tout age ... c'est d'avoir une ressource en soi-meme."
LE LAIT D'ANESSE.
Souvent un moment de gaiete, la plus simple plaisanterie, peuvent avoir
des suites facheuses et nous causer
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