Delphine, stupefaite de ce qu'elle venait
d'entendre. Mais pourquoi, lorsqu'on est princesse, venir chez les gens
en robe de guingamp, pas trop fraiche encore, en manches en amadis, et
en capote de taffetas fane?--Cela ne m'etonne point, leur repond madame
Dastrol. La jeune princesse Isabelle appartient a une mere si parfaite,
si simple dans ses gouts, et faisant si peu de cas du faste exterieur!
Son bonheur, son occupation continuelle, est d'elever ses filles dans
cette simplicite de moeurs qui prouve aux princes que c'est moins par
l'eclat de la naissance qu'ils se font remarquer que par les qualites
du coeur et par cette heureuse habitude de se confondre, avec une noble
retenue, parmi toutes les classes utiles de la societe."
On apprit en effet, dans tout le pays, que les augustes proprietaires du
chateau d'Amboise s'y etaient arretes la veille, en revenant de visiter
les Pyrenees, et qu'ils ne devaient y passer que deux jours. "Quel
dommage! s'ecriait Eugenie: je ne verrai plus ma charmante princesse
Isabelle; je n'entendrai plus parler d'elle...." Elle se trompait. Le
lendemain matin, au moment ou madame Dastrol dejeunait avec ses filles,
et qu'elles s'entretenaient de l'etrange aventure qui leur etait
arrivee, entre dans la cour de leur habitation un des piqueurs que le
cocher avait rencontres la veille, portant une corbeille couverte de
taffetas vert. Il entre, et annonce qu'il est envoye par Son Altesse
Royale pour remettre a ces demoiselles un gage de sa reconnaissance. On
s'empresse d'ouvrir la corbeille; elle contient deux billets de la
main de la jeune princesse: l'un est adresse a Eugenie, a laquelle
Son Altesse Royale offrait un riche bracelet, orne de son portrait en
costume de princesse, et contenu dans un ecrin de maroquin rouge. Elle
la remerciait, avec autant de grace que d'affection, des egards qu'elle
lui avait temoignes, quoiqu'elle fut sous de simples habits. Delphine
s'imagine trouver a son tour un cadeau de la charmante princesse; elle
ouvre avec empressement l'autre billet qui lui est adresse, et lit ces
mots: "Je suis si confuse, Mademoiselle, d'avoir ose me presenter chez
vous sous des vetements qui vous ont induite en erreur, que j'ai pense
ne pouvoir mieux expier ma faute qu'en lacerant cette robe qui m'a
privee du bonheur de vous interesser et de vous plaire.... Chaque fois
qu'il vous plaira d'y porter les yeux, dites-vous bien: La personne que
j'ai traitee avec dedain en a beaucoup ri; el
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