de faire participer ses semblables au
bonheur qu'on eprouve.
Caroline du Theil, fille d'un riche banquier de Paris, etait venue
passer une partie de l'ete chez sa jeune amie Pamela de Mericourt, dont
la mere, veuve d'un receveur general, possedait un vaste et beau domaine
sur la rive droite de la Loire, entre Luynes et Langeais, presque en
face de l'ile Berthenay, si remarquable par sa fertilite, se trouvant a
la jonction du Cher et de la Loire.
Il existait entre ces deux jeunes personnes une parfaite analogie de
gouts et de penchants: se faire aimer de tous ceux qui les approchaient,
et particulierement des simples agriculteurs; repandre dans les familles
necessiteuses des secours, des consolations, cacher surtout, autant
qu'il etait possible, leurs bienfaits sous le voile du mystere: telles
etaient les habitudes, les jouissances des deux petites amies. On
les voyait chaque jour diriger leurs promenades dans les hameaux des
environs, et les habitations couvertes de chaume les attiraient plus
particulierement. Plus d'une fois elles y deposerent ce qu'elles
recevaient de leurs parents, et les privations memes qu'elles
s'imposaient devenaient pour elles un tresor.
Cette association de bienfaisance leur attirait l'attachement et la
consideration de tous les habitants de la contree: c'etait au point
qu'elles ne pouvaient se montrer dans le plus petit hameau sans y
recueillir de touchantes benedictions. On ne parlait partout que des
bonnes petites amies: hommes, femmes, vieillards, enfants, tous les
designaient du doigt dans leurs promenades, tous leur souhaitaient a
l'envi le bonheur qu'elles meritaient.
Un jour qu'elles parcouraient les bords de la Loire qui longent les murs
du chateau de madame de Mericourt, elles entendirent des gemissements
sortir d'une humble cabane de pecheur: elles s'arretent, s'approchent,
pretent une oreille attentive, et ces mots viennent exciter leur
interet, leur curiosite: "Pauvre petit! bientot tu n'auras plus
d'pere.... Il va partir pour aller bien loin, bien loin ... nous ne le
reverrons jamais!... O mon enfant! comment f'rai-je pour te nourrir?...
Ah! pourquoi t'ai-je donne la vie!..."
Ces paroles, prononcees avec l'accent du desespoir, emurent profondement
Caroline et Pamela. Elles ne purent resister a l'envie d'entrer dans la
cabane, ou elles trouverent une jeune femme de dix-huit a vingt ans,
d'une figure interessante, noyee de larmes, et allaitant un faible
enfant dont l'inn
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