lle avait critiquee,
cette heureuse habitude de se suffire a soi-meme, et avec laquelle on
bravait l'oubli du coiffeur, la negligence de la marchante de modes.
Mais entrainee par le tourbillon du grand monde, effrayee d'un laborieux
apprentissage, la jeune indolente resta dans son ignorance absolue, se
resignant a toutes les contrarietes qu'elle eprouvait, et qui souvent
aigrissaient son caractere et nuisaient a son heureux naturel.
Un mariage devait avoir lieu dans la famille de mesdames du Cange et
Darmont. La fille d'un de leurs proches parents, proprietaire d'une
riche manufacture etablie sur les bords de l'Indre, devait epouser le
fils unique d'un des plus grands proprietaires du pays. Ce mariage, que
comblait l'espoir de deux familles honorables reunirait les principaux
habitants des petites villes circonvoisines. C'etait un de ces grands
evenements dont on s'entretient a plusieurs lieues a la ronde, et qui
font epoque en province. Chacun avait la pretention d'etre invite;
chacun deja se disposait a etaler les plus riches parures, les dentelles
d'heritage et les diamants de famille.
M. de Sorlis, pere de la jeune future, etait venu faire a Tours les
emplettes necessaires au mariage de sa chere Estelle. Il devait emmener
madame du Cange et Fanni dans une berline tres-commode, ou l'on pouvait
tenir aisement cinq personnes. M. Darmont avait ete oblige de se
rendre, dans sa voiture et avec ses chevaux, a la vente d'une foret
tres-etendue, situee a dix lieues de Tours, et dont il desirait acquerir
une grande partie. M. de Sorlis s'empressa donc d'offrir a sa parente
de l'emmener avec sa chere Octavie: ce qu'elle accepta. Il fut
en consequence decide, au grand regret de cette derniere, qu'on
n'emmenerait point de femme de chambre. La tendresse que Fanni portait
a sa tante, son adresse et son aimable prevoyance, determinerent madame
Darmont a cette privation momentanee. Octavie, bien qu'elle comptat
egalement sur l'obligeance de sa cousine, sembla pour la premiere fois
sortir de son engourdissement, et s'occupa de ce qui devait composer sa
double toilette; car non-seulement elle voulait paraitre avec eclat a la
celebration du mariage, mais elle projetait encore de tout eclipser au
bal qui devait avoir lieu, par une robe de crepe d'Italie, garnie de
volubilis, et qui devait produire un effet merveilleux. Fanni, sans
etre insensible au plaisir d'etre bien vetue, n'avait pas les memes
pretentions que sa cousine; elle ava
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