ocent sourire annoncait qu'il ne pouvait encore ni
comprendre ni partager la douleur de sa mere. Celle-ci, pressee de
questions par les deux inseparables sur la cause de son chagrin, leur
apprit qu'elle etait la femme d'un jeune pecheur nomme Jean-Pierre; que
celui-ci, se croyant sauve de la conscription, d'apres la visite qu'il
avait subie et qui l'avait declare trop faible pour le service maritime,
s'etait marie en toute confiance; mais, apres quinze mois de menage
et d'union la plus heureuse, au moment enfin ou son metier de pecheur
devenait lucratif, il venait de recevoir l'ordre de se rendre a Brest,
pour servir en qualite de matelot. "Eh! comment, dirent les deux petites
amies a la jeune femme, n'avoir pas fait usage de son acte de reforme?
--Impossible de nous l' procurer, mes bonnes demoiselles: les bureaux d'
la marine, alors etablis a Tours, ont ete transportes dans je n' sais
quelle autr' ville, et mon pauvre Jean-Pierre doit partir apres-d'main.
Si du moins j' pouvais le suivre!... mais c't enfant qu'il faudrait
porter sur mes bras, et mon vieux pere infirme, qui d'meure a Berthenay,
et dont j' suis l'unique soutien.... Non, non, Dieu l' veut; il faut
nous separer, nous quitter pour toujours! Pourvu que l'chagrin n'
tarisse pas mon lait, et que j' pussions continuer a nourrir mon pauvre
enfant! ca s'rait du moins une consolation...."
Ce recit toucha vivement Caroline et Pamela: elles ne songerent plus
qu'au moyen d'empecher Jean-Pierre de quitter sa femme et son enfant.
Mais comment s'y prendre? de pareils obstacles sont si difficiles a
surmonter! et c'est dans deux jours que doit partir le jeune pecheur....
Le hasard repondit aux bienfaisantes intentions des deux jeunes amies.
Parmi les personnes de distinction qui venaient visiter a son chateau
madame de Mericourt, etait un officier couvert d'honorables cicatrices,
et qui jouissait dans toute la Touraine de la plus haute consideration.
Il joignait aux qualites du vrai brave cette douce urbanite du grand
monde, et, dans plusieurs circonstances, il avait prouve le vif interet
qu'il portait a tous les etres souffrants. Caroline et Pamela resolurent
de s'adresser a lui pour le succes de leur entreprise, et la Providence
voulut que le lendemain meme le general, qui finissait sa tournee
departementale, vint diner au chateau. Oh! de combien d'egards et de
prevenances elles entourerent cet excellent homme! Il ne savait a quoi
attribuer toutes les choses flatteuses
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