de l'abbaye. On la voyait courir chez elle dans ses
moments de recreation, pour lui faire chanter quelques vieilles chansons
du pays, ou reciter de ces anciens contes de sorciers et de revenants,
dont Zelia riait aux eclats, et s'amusait en jeune personne instruite,
et par cela meme, exempte de tous faux prejuges.
Mais les excursions que Zelia faisait chez la bonne Marthe devinrent
encore plus frequentes par l'arrivee de Rosine Berard, son amie de
coeur, et pour le moins aussi espiegle que notre etourdie. Elle avait
ete amenee de Paris par sa mere, qui, etant allee prendre les eaux de
Bareges, avait prie madame de Courcelles de se charger de sa fille; ce
que celle-ci avait fait avec empressement, desirant obliger une des
femmes qu'elle cherissait, qu'elle estimait le plus, et procurer en meme
temps a sa chere Zelia une digne compagne de toutes ses folies.
Oh! combien alors la pauvre Marthe eut a supporter d'espiegleries de
la part des deux inseparables! Il est vrai qu'elle en etait amplement
dedommagee par mille petits cadeaux et par les nombreuses commissions
que lui donnaient a faire Zelia et Rosine, et dont elle etait toujours
bien payee; mais ce qui lui plaisait le plus, c'etait le caquet
brillant, l'inepuisable gaiete et les prouesses en tout genre des deux
petites amies: elles lui rappelaient si delicieusement l'heureuse epoque
de sa jeunesse!
Marthe, pour aller chaque matin faire a la ville de Tours les
commissions dont elle etait chargee, possedait une anesse qui, docile
a ses moindres volontes, la secondait dans ses travaux et l'aidait a
gagner la confiance de tous les habitants. Margot semblait connaitre de
quelle utilite elle etait a sa pauvre maitresse: jamais elle ne faisait
un faux pas, se contentait d'une modique nourriture, et revenait chaque
jour de la ville, chargee d'enormes paquets, s'arretant a la porte
de chaque habitation ou elle savait qu'il y avait des commissions a
remplir, et s'approchait ensuite, avec docilite, du premier montoir qui
se presentait, pour se charger de la pauvre vieille accablee de fatigue:
aussi Marthe aimait sa fidele anesse comme une compagne, comme une amie.
C'etait le seul etre au monde a qui elle eut le droit de commander. Mais
Margot fit un bel anon noir, et fut contrainte de rester deux semaines
entieres a l'etable. Cet evenement priva la vieille Marthe de gagner,
pendant ce temps-la, ce qui etait necessaire a sa subsistance; et, sans
quelques restes des cuisines
|