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a l'habitation de son ancien camarade: "La premiere allee d'arbres sur
votre droite, repond la jeune espiegle; a la grille en face." A ces
mots, elle descend de la balancoire, et, avec son obligeance naturelle,
elle accompagne jusqu'a l'avenue l'etranger, qui lui met deux gros sous
dans la main. Gabrielle rougit, et ne doute plus que l'inconnu ait
cru voir en elle l'enfant de quelque pauvre ouvrier. Oh! combien elle
souffrit de cette meprise! combien elle se repentit de s'etre oubliee
jusqu'a ce point! Mais sa confusion redoubla lorsque, paraissant a table
chez son pere, elle fut reconnue par l'etranger pour la petite fille
qu'il avait assistee. Il raconta, avec la joyeuse franchise d'un
militaire, ce qui s'etait passe. Le general, pour la premiere fois, ne
put s'empecher de faire a sa fille des reproches serieux. Il exigea
qu'elle porterait pendant un mois, dans un coin de sa bourse, les quatre
sous qu'elle avait recus, afin de se rappeler a quel point elle s'etait
exposee sur une balancoire formee a l'improviste avec des bois de
charpente, qui pouvaient l'estropier ou blesser les jeunes villageois
qu'elle associait a ses extravagances.
Gabrielle obeit, et obtint de son pere que cette aventure humiliante
resterait inconnue; mais, peu de jours apres, lorsqu'elle alla de
nouveau entendre le comite des bergeres, elle eut la penible conviction
que tout leur avait ete revele. Quelles plaisanteries mordantes elle
entendit sur son compte! Oh! que les deux gros sous qu'elle etait
condamnee a porter sans cesse lui parurent pesants! "Eh quoi! se
disait-elle, rien ne peut donc echapper a ce comite des bergeres!"
Peu de temps apres elle en eut une preuve plus convaincante encore, et
qui fit sur elle une impression decisive et salutaire. Aveuglee par
l'extreme tendresse de son pere, Gabrielle s'abandonnait plus que jamais
a toutes ses etourderies, et devenait, sans s'en apercevoir, d'une
indocilite dont le general Dostanges souffrit quelque temps en silence,
mais sur laquelle il finit par eclater avec une vivacite qui effraya sa
fille, et lui fit sentir qu'il est souvent des bornes pour l'indulgence.
M. Dostanges avait les yeux trop clairvoyants, et surtout trop grand
usage du monde, pour ne pas s'apercevoir des defauts de sa fille.
L'amour-propre, dompte longtemps par l'amour paternel, se livra donc a
toute son explosion.
Gabrielle avait deux serins qu'elle aimait beaucoup; mais, trop legere
pour les soigner elle-meme,
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