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-- Non, ou je puisse me confesser.
-- Mais peut-etre, dit Raoul, n'etes-vous point blesse si
dangereusement que vous croyez.
-- Monsieur, dit le blesse, croyez-moi, il n'y a pas de temps a
perdre, la balle a brise le col du femur et a penetre jusqu'aux
intestins.
-- Etes-vous medecin? demanda de Guiche.
-- Non, dit le moribond, mais je me connais un peu aux blessures,
et la mienne est mortelle. Tachez donc de me transporter quelque
part ou je puisse trouver un pretre, ou prenez cette peine de m'en
amener un ici, et Dieu recompensera cette sainte action; c'est mon
ame qu'il faut sauver car, pour mon corps, il est perdu.
-- Mourir en faisant une bonne oeuvre, c'est impossible! et Dieu
vous assistera.
-- Messieurs, au nom du ciel! dit le blesse rassemblant toutes ses
forces comme pour se lever, ne perdons point le temps en paroles
inutiles: ou aidez-moi a gagner le prochain village, ou jurez-moi
sur votre salut que vous m'enverrez ici le premier moine, le
premier cure, le premier pretre que vous rencontrerez. Mais,
ajouta-t-il avec l'accent du desespoir, peut-etre nul n'osera
venir, car on sait que les Espagnols courent la campagne, et je
mourrai sans absolution. Mon Dieu! mon Dieu! ajouta le blesse avec
un accent de terreur qui fit frissonner les jeunes gens, vous ne
permettrez point cela, n'est-ce pas? ce serait trop terrible!
-- Monsieur, tranquillisez-vous, dit de Guiche, je vous jure que
vous allez avoir la consolation que vous demandez. Dites-nous
seulement ou il y a une maison ou nous puissions demander du
secours, et un village ou nous puissions aller querir un pretre.
-- Merci, et que Dieu vous recompense! Il y a une auberge a une
demi-lieue d'ici en suivant cette route et a une lieue a peu pres
au-dela de l'auberge vous trouverez le village de Greney. Allez
trouver le cure; si le cure n'est pas chez lui, entrez dans le
couvent des Augustins, qui est la derniere maison du bourg a
droite, et amenez-moi un frere, qu'importe! moine ou cure, pourvu
qu'il ait recu de notre sainte Eglise la faculte d'absoudre _in
articulo mortis._
-- Monsieur d'Arminges, dit de Guiche, restez pres de ce
malheureux, et veillez a ce qu'il soit transporte le plus
doucement possible. Faites un brancard avec des branches d'arbre,
mettez-y tous nos manteaux; deux de nos laquais le porteront,
tandis que le troisieme se tiendra pret a prendre la place de
celui qui sera las. Nous allons, le vicomte et moi, chercher un
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