s; mais
quant a la grace, a la delicatesse et a la noblesse des
apparences, personne, sur ce point, ne pouvait etre compare au
comte de La Fere.
Les chevaux, plus menages que la veille, s'arreterent vers quatre
heures du soir a Arras. On s'approchait du theatre de la guerre,
et l'on resolut de s'arreter dans cette ville jusqu'au lendemain,
des partis d'Espagnols profitant quelquefois de la nuit pour faire
des expeditions jusque dans les environs d'Arras.
L'armee francaise tenait depuis Pont-a-Marc jusqu'a Valenciennes,
en revenant sur Douai. On disait M. le Prince de sa personne a
Bethune.
L'armee ennemie s'etendait de Cassel a Courtray, et, comme il
n'etait sorte de pillages et de violences qu'elle ne commit, les
pauvres gens de la frontiere quittaient leurs habitations isolees
et venaient se refugier dans les villes fortes qui leur
promettaient un abri. Arras etait encombree de fuyards.
On parlait d'une prochaine bataille qui devait etre decisive,
M. le Prince n'ayant manoeuvre jusque-la que dans l'attente de
renforts, qui venaient enfin d'arriver. Les jeunes gens se
felicitaient de tomber si a propos.
Ils souperent ensemble et coucherent dans la meme chambre. Ils
etaient a l'age des promptes amities, il leur semblait qu'ils se
connaissaient depuis leur naissance et qu'il leur serait
impossible de jamais plus se quitter.
La soiree fut employee a parler guerre; les laquais fourbirent les
armes; les jeunes gens chargerent des pistolets en cas
d'escarmouche; et ils se reveillerent desesperes, ayant reve tous
deux qu'ils arrivaient trop tard pour prendre part a la bataille.
Le matin, le bruit se repandit que le prince de Conde avait evacue
Bethune pour se retirer sur Carvin, en laissant cependant garnison
dans cette premiere ville. Mais comme cette nouvelle ne presentait
rien de positif, les jeunes gens deciderent qu'ils continueraient
leur chemin vers Bethune, quittes, en route, a obliquer a droite
et a marcher sur Carvin.
Le gouverneur du comte de Guiche connaissait parfaitement le pays;
il proposa en consequence de prendre un chemin de traverse qui
tenait le milieu entre la route de Lens et celle de Bethune. A
Ablain, on prendrait des informations. Un itineraire fut laisse
pour Grimaud.
On se mit en route vers les sept heures du matin.
De Guiche, qui etait jeune et emporte, disait a Raoul:
-- Nous voici trois maitres et trois valets; nos valets sont bien
armes, et le votre me parait assez te
|