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la coutume des laquais heureux de leur condition, racontant au
tavernier tout ce qu'il crut pouvoir dire sur le compte du jeune
gentilhomme.
Cependant Raoul ecrivait:
Monsieur,
"Apres quatre heures de marche, je m'arrete pour vous ecrire, car
vous me faites faute a chaque instant, et je suis toujours pret a
tourner la tete, comme pour repondre lorsque vous me parliez. J'ai
ete si etourdi de votre depart, et si affecte du chagrin de notre
separation, que je ne vous ai que bien faiblement exprime tout ce
que je ressentais de tendresse et de reconnaissance pour vous.
Vous m'excuserez, monsieur, car votre coeur est si genereux, que
vous avez compris tout ce qui se passait dans le mien. Ecrivez-
moi, monsieur, je vous en prie, car vos conseils sont une partie
de mon existence; et puis, si j'ose vous le dire, je suis inquiet,
il m'a semble que vous vous prepariez vous-meme a quelque
expedition perilleuse, sur laquelle je n'ai point ose vous
interroger, car vous ne m'en avez rien dit. J'ai donc, vous le
voyez, grand besoin d'avoir de vos nouvelles. Depuis que je ne
vous ai plus la, pres de moi, j'ai peur a tout moment de manquer.
Vous me souteniez puissamment, monsieur, et aujourd'hui, je le
jure, je me trouve bien seul.
"Aurez-vous l'obligeance, monsieur, si vous recevez des nouvelles
de Blois, de me toucher quelques mots de ma petite amie Mlle de La
Valliere, dont, vous le savez, la sante, lors de notre depart,
pouvait donner quelque inquietude? Vous comprenez, monsieur et
cher protecteur, combien les souvenirs du temps que j'ai passe
pres de vous me sont precieux et indispensables. J'espere que
parfois vous penserez aussi a moi, et si je vous manque a de
certaines heures, si vous ressentez comme un petit regret de mon
absence, je serais comble de joie en songeant que vous avez senti
mon affection et mon devouement pour vous, et que j'ai su vous les
faire comprendre pendant que j'avais le bonheur de vivre aupres de
vous."
Cette lettre achevee, Raoul se sentit plus calme; il regarda bien
si Olivain et l'hote ne le guettaient pas, et il deposa un baiser
sur ce papier, muette et touchante caresse que le coeur d'Athos
etait capable de deviner en ouvrant la lettre.
Pendant ce temps, Olivain avait bu sa bouteille et mange son pate;
les chevaux aussi s'etaient rafraichis. Raoul fit signe a l'hote
de venir, jeta un ecu sur la table, remonta a cheval, et a Senlis,
jeta la lettre a la poste.
Le repos qu'avaient p
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