t a quoi sert la philosophie et tu traites de
subtilites inutiles et dangereuses la connaissance de la verite
cherchee, depuis que l'humanite existe, par tous les hommes, et arrachee
brin a brin, filon par filon, du fond de la mine obscure, par les hommes
les plus intelligents et les meilleurs dans tous les siecles. Tu traites
un peu cavalierement l'oeuvre de Moise, de Jesus-Christ, de Platon,
d'Aristote, de Zoroastre, de Pythagore, de Bossuet, de Montesquieu, de
Luther, de Voltaire, de Pascal, de Jean-Jacques Rousseau, etc., etc.,
etc.! Tu sabres a travers tout cela, peu habitue que tu es aux formules
philosophiques. Tu trouves dans ton bon coeur et dans ton ame genereuse
des fibres qui repondent a toutes ces formules et tu t'etonnes beaucoup,
qu'il faille prendre la peine de lire dans un langage assez profond la
doctrine qui legitime, explique, consacre, sanctifie et resume tout ce
que tu as en toi de bonte et de verite acquise et naturelle. L'oeuvre de
la philosophie n'a pourtant jamais ete et ne sera jamais autre chose
que le resume le plus pur et le plus eleve de ce qu'il y a de bonte,
de verite et de force repandu dans, les, hommes a l'epoque ou chaque
philosophe l'examine. Qu'une idee de progres, qu'une superiorite
d'apercus et une puissance d'amour et de foi dominent cette oeuvre
d'examen (et comme qui dirait de statistique morale et intellectuelle),
des richesses acquises precedemment et contemporainement par les hommes,
et voila une philosophie. Les brouillons du journalisme qui attendent
apparemment qu'on les amuse avec des propheties d'almanach, s'ecrient:
"Vous ne nous dites rien de neuf." Les braves gens comme toi, disent:
"Nous sommes aussi instruits que vous!" Tant mieux! alors donnez-nous un
millier ou seulement une centaine de gens comme vous, et nous regenerons
le monde. Mais, comme, jusqu'ici, on ne nous a guere fait le plaisir de
nous dire que nous insistions trop sur des verites reconnues; comme nous
entendons, au contraire, ces paroles partir de tous cotes: "Nous savons
bien que Jesus, Rousseau et compagnie ont preche la charite et la
fraternite; nous avons entendu parler de cela et ne savons pourquoi vous
revenez sur ces choses dont personne ne veut et dont nous ne voulons
pas!" comme ce ne sont pas seulement les nobles, les pretres et
les bourgeois qui nous tiennent ce langage, mais encore certains
republicains, et le _National_ en tete, nous avons lieu de penser que
nous ne faisons pas une oeuvre
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